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Débroussailler en toute convivialité ! Récit d'un chantier paysage #1

Publié le 3 octobre 2018 , mis à jour le 17 août 2023

Les adhérents et bénévoles de l’association ont la chance de pouvoir participer à des journées sur le terrain avec les fermiers Terre de Liens. C’est l’occasion de visiter les fermes, de mieux approcher les réalités du travail agricole, de comprendre le paysage naturel de la ferme, et de passer une super journée en plein air. Exemple avec le récit de Jean-Luc, un des volontaires au chantier participatif que proposait Jean-Philippe à la ferme du Brézouard (68), le 22 septembre dernier.

Un chantier participatif Terre de Liens à la ferme du Brézouard

Nous sommes quatre bénévoles-volontaires de Terre de Liens ce samedi 22 septembre 2018, quatre citadins strasbourgeois en route pour Aubure (68), au fin fond des Vosges. Jean-Philippe nous attend dans sa ferme du Brézouard, à 850 m d’altitude. C’est le jour du chantier participatif, qu’il organise chaque mois à l’intention des bénévoles de Terre de Liens. Il s’agit de lui donner un coup de main tout en découvrant sa ferme et son magnifique coin de montagne.
Jean-Philippe a pris cette ferme Terre de Liens il y a 5 ans. La Foncière Terre de Liens possède le foncier (10 hectares de prés et de bois sur les 45 ha qui constituent la ferme) et le bâtiment d’élevage et de transformation, et perçoit un loyer. Jean-Philippe se débat là-haut contre les rigueurs du climat montagnard. Ses quinze vaches tondent l’herbe des prés. Il élève surtout des vosgiennes, une race rustique à la robe tachetée noire et blanche. On les reconnaît à leur élégante raie blanche qui court tout le long du dos. Leur lait est transformé sur place en munster, fromage frais et yaourt.
Tenir une ferme là-haut, c’est beaucoup de travail. Ailleurs aussi, mais au Brézouard la pente du terrain n’arrange pas les choses. À part le jardin, on ne peut rien cultiver. Il n’y a que des prés, qui jouent des coudes entre les forêts.

Thème du jour : ouvrir le paysage

Aujourd’hui nous aidons Jean-Philippe à « ouvrir le paysage », ou à le maintenir ouvert. Ça veut dire faire en sorte de redonner de l’espace et de la lumière aux pâturages et aux prés de fauche (où est récolté le foin qui nourrira les vaches l’hiver). En montagne, si on laisse faire la nature, les genêts puis la forêt envahissent rapidement le terrain. En plus, ici, dans les Vosges, la déprise agricole depuis plusieurs décennies a encouragé les propriétaires à planter « du sapin », c’est-à-dire de l’épicéa (Picea abies) en rangs d’oignons. Maintenant, les courageux éleveurs qui veulent rester là-haut doivent patiemment repousser les lisières et regagner de la place pour l’herbe et les vaches. Et c’est un sacré boulot.
Les entreprises forestières ratiboisent une parcelle d’épicéas en une journée, puis la dessoucheuse « nettoie » le terrain pour une nouvelle plantation. Jean-Philippe ne dispose pas de ces grands moyens, en plus il a le respect du sol et de son biotope. Pour lui, dé-boiser ne signifie pas tout détruire. Les jours précédents, il a abattu une vingtaine d’arbres, mais le plus dur reste à faire.
Voilà comment s’organise notre journée. Les deux mecs, armés de tronçonneuses, ébranchent les arbres et débitent les troncs en morceaux d’1,5 à 2 m. Les deux nanas ramassent les branches et les empilent dans la benne derrière le tracteur. Puis elles regroupent les lourdes « billes » de bois en tas. Jean-Philippe fait des navettes avec les chargements de branches pour les entasser vers la maison. Aucun d’entre nous ne se risquerait à conduire le tracteur, surtout chargé, sur le pré fortement pentu. Il faut avoir la main sûre. Ce tracteur ne fait aucun trajet à plat, sauf sur la route.
Jean-Philippe devra par la suite transporter aussi les morceaux de troncs d’arbres avec la benne autoportée du tracteur. Ils seront broyés en copeaux pour la chaudière à bois de la maison.


Les vaches, ça prend du temps

Entre-temps, pendant que nous bûcheronnons, Jean-Philippe a guidé les vaches vers un nouveau « parc », fermé par une clôture électrique installée en vitesse. Il y a peu d’herbe cet automne, la sécheresse a sévi, même en altitude. Les prairies sont rases. Il faudrait presque déjà donner du foin aux vaches, mais il n’y en aurait plus assez pour l’hiver. Le manque de pluie a empêché de faire des regains (la deuxième coupe d’été après les foins). 2018 est un mauvais millésime pour l’élevage de montagne.
Le temps consacré chaque jour aux vaches est considérable, surtout pour un éleveur qui bosse seul et qui transforme lui-même le lait comme Jean-Philippe. Deux traites par jour, mise au pré, évacuation du fumier, fabrication quotidienne des fromages et yaourts, nettoyage rigoureux du laboratoire, sans parler de la vente au marché et ailleurs, des livrai-sons de lait frais aux gens du village… Il reste peu de temps pour les travaux d’extérieur. Donc l’entretien des prés et la réduction des parcelles boisées attendent souvent que Jean-Philippe soit disponible.

Des bénévoles survitaminés

Du coup, une journée de travail à cinq fait bien avancer le chantier. Nous autres citadins n’avons ni l’entraînement ni la technique pour de tels travaux. Mais l’enthousiasme et la détermination compensent ces handicaps. Jean-Philippe doit fréquemment affûter les tronçonneuses, que nous laissons maladroitement attaquer le sol, heureusement dépourvu de cailloux… Bien plus costaud que nous, il s’occupe lui-même de débiter la base des troncs les plus gros, ou ceux qui sont en équilibre instable sur ce terrain en pente et jonché de petites branches.
Nous travaillons presque sans arrêt, et à bon rythme, deux heures le matin et presque trois l’après-midi. Ces chiffres feront ricaner les bûcherons, mais vers cinq heures de l’après-midi nous sommes épuisés. Et puis il faut laisser Jean-Philippe s’occuper de ses fromages…
À la fin, nous avons mal aux bras et au dos, mais nous jetons un œil admiratif et presque incrédule sur notre chantier. Le résultat fait plaisir à voir. Jean-Philippe arbore un sourire satisfait, son équipe d’amateurs a bien bossé ! Le sol est débarrassé des branchages, les billes de bois sont regroupées, toute la partie basse de la parcelle est nettoyée, c’est mieux qu’espéré. Jean-Philippe a bien sûr épargné le vénérable sapin (Abies alba) qui fait le coin, et deux ou trois mélèzes sous lesquels l’herbe pourra pousser sans problème.
L’ambiance de travail était excellente, le courage des uns surmotivait les autres. Il faut rendre un hommage particulier aux deux nanas, qui n’ont pas arrêté de toute la journée et qui se sont coltiné des troncs d’arbres bien plus lourds qu’elles, sans quitter le célèbre sourire des adhérentes à Terre de Liens. Plus modestement, les deux tronçonneurs néophytes ont assuré eux aussi, le sourire en moins, à cause de la concentration indispensable avec les machines.
Nous passons encore un moment avec Jean-Philippe à nous congratuler, à prendre quelques fromages et à croquer des pommes devant la ferme. C’était une rude journée, mais pleine de bonnes sensations. Nous avons pu faire mieux connaissance, avec la satis-faction de rendre service concrètement dans le cadre de Terre de Liens. Tous les quatre nous avons l’habitude des randonnées, mais bosser avec Jean-Philippe là-haut sur sa montagne, c’est une toute autre aventure !



Jean-Luc Michel, administrateur de l’association et membre du groupe local de Strasbourg.

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