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Mobilisez-vous pour la nouvelle Loi d'Orientation Agricole

Publié le 2 février 2023 , mis à jour le 30 août 2023

Champs de céréales © Shaun Coward

En 2023, le gouvernement planche sur un Pacte-Loi d’Orientation Agricole (PLOA), qui devrait être présenté en juin, pour répondre aux défis du renouvellement des générations et de l’adaptation au changement climatique. Une loi d’orientation agricole voit le jour en moyenne tous les 10 ans… Autrement dit, c’est le futur de notre agriculture qui va se jouer dans les mois à venir. Ne laissons pas cette loi se dessiner sans faire entendre notre voix !

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Le renouvellement des générations, défi du siècle

Aujourd’hui, plus d’un quart des agriculteur·trices approche l’âge de la retraite, et avec leur départ, plus de 5 millions d’hectares vont changer de mains dans les 10 prochaines années. Malgré ces millions d’hectares libérés, les porteur·euses de projets peinent à trouver des fermes à reprendre. Ultra spécialisées, surdimensionnées et chères, elles sont inaccessibles et ne correspondent pas à leurs projets (en France, la taille des fermes a plus que doublé en 30 ans, passant de 27 ha en 1988 à 69 ha en 2020). Car les candidat·es à la reprise ne sont plus ceux d’hier : 60% d’entre eux sont aujourd’hui non issus du milieu agricole (NIMA) et cherchent à s’installer sur des fermes en polyculture-élevage et à taille humaine, l’inverse donc de l’offre actuelle. Pourtant, ces types d'installations répondent aux aspirations des Français et Françaises : manger local et à un prix accessible, des produits qui ne détruisent pas l’environnement. Il est nécessaire que les politiques publiques soient actualisées pour mieux accompagner ces installations et la transmission des fermes.

En savoir plus

Découvrez le premier rapport de Terre de Liens sur l'Etat des terres agricoles en France.

S’il est urgent de faciliter les transmissions et l’accès de cette nouvelle génération paysanne à la terre, il est tout aussi urgent d’agir auprès des propriétaires de terre, qui ne sont pas forcément ceux que l’on imagine…

L’essor des sociétés financiarisées, vers une agriculture sans agriculteurs

Chiffres clés sur les sociétés financiarisées

Dernière marche gravie sur l’échelle de l’intégration de l’agriculture à l’industrie : au cours des dernières décennies, les fermes sous forme de sociétés ont connu un essor important. Parmi elles, les sociétés financiarisées à capitaux ouverts, qui permettent à des investisseurs qui ne participent pas aux travaux agricoles de prendre le contrôle de la ferme. La présence de ces acteurs non agricoles, tels que des acteurs financiers ou agroalimentaires au capital de ces sociétés, augure d’une nouvelle ère dans l’agriculture, où le travail de la terre doit être en mesure de rémunérer ses investisseurs et où la rentabilité financière préside à l’orientation des usages de la terre. Sur ces terres, ce ne sont plus des agriculteurs, responsables de leur ferme qui travaillent, mais des salariés, qui obéissent aux ordres.

Zoom

Une ferme sur 10 est une société financiarisée aujourd’hui. Elles cultivent 3,7 millions d’hectares, une surface qui a presque doublé en 20 ans ! Face à ces sociétés et leurs logiques d’accaparement et de financiarisation des terres, comment faire le poids pour s’installer ?

En France, les SAFER ont pour mission de réguler le marché des terres et d’assurer l’accès à la terre pour de nouvelles installations. Mais face au développement des sociétés financiarisées, via un marché parallèle de la terre, elles demeurent aujourd’hui impuissantes.

Qu'est-ce que la SAFER ?

Comment ces sociétés arrivent-elles à contourner le système de régulation du marché régi par les Safer ?

Lorsque les terres sont la propriété de la société, les preneurs de parts dans la société deviennent, de fait, propriétaires de terres, sans avoir directement acheté ces terres. La ferme devient ainsi “une entité parmi d’autres dans un groupe industriel” (G. Nguyen et F. Purseigle, “Les exploitations agricoles à l’épreuve des firmes”). Le marché des parts de société est donc devenu un marché parallèle des terres agricoles.

Et si la loi donne des prérogatives aux Safer pour assurer la régulation du marché foncier, leur capacité d’action est fortement limitée sur ce marché parallèle, leur droit de préemption ne s’appliquant que lorsque 100% des parts sont mises en vente. En 2021, seuls 3% des cessions de parts ont été totales; dans 97% des cas, les Safer n’ont donc eu aucun moyen d’intervenir. Cette même année, la Loi Sempastous, promulguée par le gouvernement, est entrée en vigueur. Censée permettre la régulation de ces ventes de parts, même lorsque les cessions sont partielles, sa portée est aujourd’hui très limitée du fait de nombreux manques (voir p.52 du rapport). Il faut aller plus loin, en renforçant les mesures de cette loi !

En savoir plus

Rapport "La propriété des terres agricoles en France : à qui profite la terre ?" - Partie 3

Des entreprises agroalimentaires ont vite compris l’intérêt des sociétés financiarisées. C’est le cas du groupe Altho, qui fabrique les chips Bret’s en Bretagne. Pour sécuriser leurs outils de production, le groupe a profité du départ en retraite d’agriculteurs du coin pour transformer des fermes moyennes en sociétés à capital ouvert, permettant au groupe d’entrer au capital de la ferme, d’en devenir l’investisseur majoritaire, et ainsi de prendre le contrôle direct de terres, travaillées par leur entreprise de travaux agricoles Légumia. Face à la concurrence d’Altho et d’autres sociétés (gros élevages de porcs et légumiers industriels notamment) aux moyens financiers conséquents, les candidats à l’installation n’arrivent pas à trouver de terres dans la région pour lancer leur projet.

Comme Altho, Fleury Michon, Auchan, Chanel, l’Oréal et d’autres profitent de ce marché parallèle de la terre pour accaparer des terres et se substituer aux agriculteurs

Vincent Verzat, vidéaste engagé plus connu sous le nom de Partager c’est sympa, a enquêté sur ce phénomène :

encart vidéo

Enquête : les firmes s'emparent de la terre

Propriétaires de terres, une influence sur le renouvellement des générations

Chiffres clés sur la propriété des terres agricoles

Au-delà de cette tendance inquiétante, un autre “type” de propriétaires a un rôle majeur à jouer : les personnes physiques, qui représentent 85% des propriétaires de terres agricoles en France. Aujourd’hui, un agriculteur qui travaille des terres en location (c’est le cas de la majorité d’entre eux), loue des parcelles à 14 propriétaires différents en moyenne, contre 3 ou 4 en 1980. Or les candidats à l’installation ne sont pour la majorité pas fils ou filles d’agriculteurs et ne bénéficient pas de terres familiales. Au moment de s’installer c’est donc une négociation avec une multiplicité de propriétaires qui s’engagent pour eux. D’autant plus que ces propriétaires sont parfois frileux à louer leurs terres en fermage* : le loyer en fermage classique est de 150 €/ha/an en moyenne, alors que la location annuelle à un légumier industriel est de 1000 €/ha/an et la location pour une installation photovoltaïque de 2000 €/ha/an. Et bien sûr, lorsqu’une modification dans le plan local d’urbanisme rend une terre agricole constructible, sa valeur est multipliée par 25...
Il est pourtant essentiel de préserver le fermage pour garantir la stabilité des fermes et de la production agricole. Par leurs décisions et leurs choix, ces propriétaires peuvent donc entraver ou faciliter la transmission des fermes et l’installation de nouveaux projets agricoles.

Vous êtes propriétaire de terres agricoles ?

Découvrez le guide de la propriété foncière agricole responsable. Fruit de 20 ans d’expertise, il rassemble toutes les informations utiles pour se lancer sereinement dans la transmission.

Nos recommandations

Face à ces enjeux, Terre de Liens appelle le gouvernement à construire une Loi d'Orientation Agricole (LOA) à la hauteur !

Assurer la transparence sur la propriété et l’usage des terres agricoles

La transparence est un préalable pour lutter contre l’accaparement des terres et orienter ses usages dans le sens de l’intérêt public. Elle doit s’appliquer à la propriété et à l’usage des terres agricoles, à la pro- priété des fermes et aux marchés fonciers. C'est une première étape indispensable pour comprendre les dynamiques en cours et adapter les dispositifs de régulation. Plusieurs mesures sont nécessaires pour garantir cette transparence :

  • La création d’un observatoire des terres agricoles permettant, d’une part, de caractériser précisément la structure de la propriété et de l’usage des terres agricoles en France, d’autre part de mesurer les évolutions en cours. Un tel dispositif devrait avoir accès à l’ensemble des données sur la propriété des terres (cadastre) les transactions (demandes de valeur foncière), le contrôle des uni- tés de production (registre des bénéficiaires de sociétés) et l’usage des terres (recensement agricole, déclaration PAC, données de la mutualité sociale agricole).
  • L’accès facilité à ces données pour la recherche, les organes en charge de la régulation foncière, les partenaires locaux impliqués et les ONG, dans le respect des données personnelles.
  • La publication d’études foncières régulières croisant les données recueillies et traitées par l’observatoire pour suivre l’évolution de la structure de la propriété.
  • La création au niveau européen d’un même observatoire des terres agricoles, répertoriant les transactions foncières, permettant ainsi d’envisager une régulation des investissements transnationaux.

Inciter les propriétaires de terres à maintenir la vocation agricole de leurs terres

Les propriétaires de terres agricoles ne composent pas une population homogène, partageant les mêmes intérêts ou une même vision de l’avenir de leur territoire et de l’agriculture. Leurs décisions de louer ou de vendre à différents types d’acteurs a pourtant un impact décisif sur le futur de l’agriculture française. Afin de favoriser l’usage agricole des terres sur le long terme, l’État doit se doter de dispositifs permettant de :

  • Supprimer les plus-values foncières réalisées par les propriétaires en cas de changement d’usage, en adoptant une fiscalité dissuasive sur la vente de terrains agricoles rendus construc- tibles. Cette plus-value est un effet d’opportunité peu justifié résultant d’une décision d’urbanisme, qui met en danger les terres agricoles.
  • Renforcer l’application des sanctions en cas de non-respect des décisions prises par les instances de régulation.
  • Permettre au préfet de refuser la délivrance d’une autorisation d’exploiter s’il n’y a pas de candidat satisfaisant les orientations du schéma directeur régional des exploita- tions agricoles (SDREA), même s’il n’y a pas de concurrence.

Renforcer la régulation des terres agricoles

La France a mis en place des dispositifs de régulation sans équivalent en Europe pour garantir l’accès aux terres agricoles à celles et ceux qui les travaillent, mais ces dispositifs sont aujourd’hui largement contournés ou rendus obsolètes par les pratiques des acquéreurs, en particulier des sociétés. La loi d’orientation agricole est une opportunité unique de renforcer la loi Sempastous afin d’endiguer les risques d’accaparement de terres et de réformer la gouvernance des terres agricoles pour favoriser l’emploi, les pratiques agroécologiques et la diversification des territoires, trois objectifs poursuivis par la politique agricole française.

Renforcer les mesures de la loi Sempastous :

  • Adosser le seuil de déclenchement de la loi Sempastous à celui du contrôle des structures (défini dans le SDREA en référence à l’art L331-1 du Code rural), pour homogénéiser la régulation des différents modes d’accès à la terre;
  • Soumettre à autorisation l’ensemble des cessions de parts de société contrôlant des terres (les opérations réalisées par les SAFER, les cessions entre associés, les cessions gratuites et les cessions intrafamiliales).
  • Abroger la mesure prévoyant de donner l’autorisation de cession à défaut de réponse de l’administration et doter les services en charge du contrôle des moyens nécessaires pour traiter les demandes;
  • S’assurer que les mesures compensatoires fassent revenir les surfaces en dessous du seuil d’agrandissement excessif et conditionner l’autorisation à un engagement écrit sur les compensations.
  • Améliorer la transparence en donnant aux Safer l’accès aux données nominatives du RPG et aux fichiers des sociétés, permettant d’identifier les bénéficiaires effectifs et les surfaces agricoles qu’ils contrôlent.

Développer une gouvernance du foncier plus participative, démocratique et respectueuse des équilibres des territoires via :

  • La fixation d’un cadre commun aux SDREA permettant de définir des critères objectifs d’orientation des terres agricoles qui répondent mieux aux enjeux sociaux, économiques et environnementaux de l’agriculture et de l’alimentation, tels qu’inscrits dans le Code rural (article 1) et qui s’appliquent aux différents marchés d’accès à la terre.
  • L'harmonisation de la régulation foncière au- tour des SDREA rénovés, articulant les comités techniques des Safer et des commissions départementales d'orientation agricole (CDOA) dont les compositions seraient les mêmes, soumettant à autorisation administrative tous les projets de location de terres agricoles, de vente de terres agricoles et de vente de parts de société disposant de droits d’usage de terres agricoles. Les Safer conserverait leur droit de préemption.
  • La participation effective des représentants des syndicats agricoles, des élus du territoire et des re- présentants d’organisations citoyennes et environne- mentales, sous le contrôle du représentant de l'État.
  • La transparence des débats et décisions vis-à-vis du grand public.

Favoriser le portage foncier non lucratif pour faciliter les installations

Soulignant les difficultés d’accès aux terres, le président de la République a annoncé sa volonté de développer le portage foncier pour «aider le jeune à s’installer et à lisser la charge pendant plusieurs années ». Si Terre de Liens se félicite de cette décision, nous alertons cependant sur la grande diversité des solutions de portage, qui ne répondent pas de la même façon aux enjeux d’installation, en particulier selon qu’elles ont ou non un objectif de lucrativité (par la rémunération des investisseurs) et selon la durée du portage proposé. Nous appelons le ministère de l’Agriculture et les collectivités territoriales à :

  • Soutenir activement les initiatives foncières citoyennes qui se développent sous différentes formes, en dédiant des financements spéci- fiques et en adaptant les cadres législatif et réglementaire pour favoriser leur développement.
  • Faire entrer les structures solidaires et citoyennes dans les catégories légales permettant la délivrance de l’agrément Entreprise solidaire d’utilité sociale (ESUS).
  • Diriger les soutiens financiers et l’investissement public en priorité vers les structures de portage qui : sont non lucratives, apportent un appui durable aux agriculteurs installés, soutiennent le développement des modèles agroécologiques et respectent l’autonomie des fermiers.

Mobilisez-vous avec nous

Happening chips et agrobusiness

Aidez-nous à dessiner le futur de notre agriculture ! Tout au long de l’année, nous vous tiendrons informés et vous proposerons des actions pour vous mobiliser autour de cette nouvelle Loi d’Orientation Agricole. Pour les recevoir, inscrivez-vous en laissant votre email ci-dessous. Plus nous serons nombreuses et nombreux, plus nous aurons de poids !

*Fermage : le fermage est un contrat de location, oral ou écrit, entre propriétaires et fermiers. Ce type de bail garantit aux fermiers qui louent des terres des conditions propices à l’activité agricole (loyer modéré, durée, droit de préemption en cas de vente, transmissibilité aux enfants…).

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