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Publié le 11 juin 2025 , mis à jour le 15 octobre 2025
Pour comprendre les enjeux qui attendent les fermes maraîcheres face au changement climatique Chloé Charles cuisine en direct de la ferme Terre de liens d'Estelle, dans le Nord-Pas-de-Calais.
© ©Sabrine Mulas pour Terre de LiensVisiter des fermes "ça permet de se confronter à la réalité des choses" lance la cheffe Chloe Charles. Participante à la saison 12 de Top Chef, elle est depuis 2022 cheffe de Lago, un lieu de cuisine dédié exclusivement à la privatisation. Cuisinière "militante", Chloé Charles revendique une cuisine nourrissante, anti-gaspi et tournée vers le végétal. Filmée par le média Brut, elle a accepté l'invitation de Terre de Liens dans la ferme maraîchère "Au Marais Sage" Estelle dans le Nord-Pas-de-calais. L'objectif ? Sensibiliser les Français·es aux conséquences du changement climatique sur nos champs et donc sur ce qu'il y a dans nos assiettes avec une recette 100% végétale !
Retrouvez la vidéo dans notre article ainsi qu'une interview exclusive de Chloé Charles pour Terre de liens et sa recette !
[Terre de liens] Est-ce que tu connaissais Terre de Liens avant de faire cette opération ?
[Chloé Charles] Non, je ne connaissais pas Terre de Liens, mais je suis ravie que ça existe.
[Terre de liens] Qu'est-ce que tu comprends de Terre de Liens justement ?
[Chloé Charles] Ce que je comprends, c'est que ça permet à des agriculteurs, des agricultrices de pouvoir s'installer en s’évitant tous les frais que ça représente. Mais la contrepartie, c’est qu’ils ne sont pas propriétaires de leurs terres.
C’est une contrepartie pour eux, mais c’est aussi un bénéfice pour tous, d’une certaine manière, puisque ça permet de garder des terres agricoles pour le bien commun.
La vidéo Brut. de la rencontre entre Estelle, la maraîchère et la cheffe Chloé Charles
[Terre de liens] Qu’est-ce que la ferme maraichère d'Estelle t’inspire ?
[Chloé Charles]Je trouve que ça respire la sérénité. Le fait qu’ils soient plusieurs dessus, avec des employés… Tout le monde a l’air de se sentir bien, d’être heureux de travailler ensemble.
Et je trouve que c’est hyper positif de voir qu’il y a des vacances qui sont prises, des personnes qui peuvent prendre le relais, qui réfléchissent…
Là, on en parlait tout à l’heure, ils commencent à compter leurs heures pour voir combien ils en font, comment ils pourraient les réduire, avoir des gens qui prennent le relais, etc. C’est vrai que c’est toujours un sujet, notamment dans ce genre de métier où le temps n’est pas compressible.
Je veux dire, on ne peut pas s’aider avec une appli pour aller plus vite.
Du coup, il y a des gens qui réfléchissent à un modèle viable économiquement. On n’a pas beaucoup parlé d’argent. J’imagine que personne ne roulera jamais sur l’or en ayant une ferme en maraîchage bio de cette taille-là. Mais en tout cas, je pense qu’on peut en vivre décemment, et c’est ça qui importe.
Je me sens responsable de la manière dont je fais passer des messages pour que, de manière générale, la population française consomme mieux
Cheffe de cuisine et participante à la saison 12 de TopChef
[Terre de liens] Quel est ton lien à la Terre ?
[Chloé Charles] Mon lien à la Terre ? Déjà, je pense qu’il est relativement faible, étant donné que je suis parisienne de naissance. Après, j’ai quand même la chance d’avoir des grands-parents maternels qui m’ont beaucoup appris sur les arbres, sur le potager. Mais c’est vraiment intrafamilial, à toute petite échelle.
Là où il s’étoffe, on va dire, c’est que je fais un métier qui est forcément corrélé avec le monde agricole, et je ne peux pas faire comme si ça n’existait pas.
Je me sens responsable de la manière dont je fais passer des messages pour que, de manière générale, la population française consomme mieux.
Et puis, en dehors de ça, si je le prends d’une manière très égoïste : étant passionnée de cuisine, c’est tellement un plaisir de travailler avec des beaux produits…
En dehors de la manière dont c’est produit et du message militant, je ne peux pas m’empêcher d’avoir envie de travailler avec des beaux produits.
[Terre de liens] Et justement, est-ce que tu te fournis auprès de fermier·es dans ton quotidien de cuisinière ?
[Chloé Charles] Je me fournis auprès de fermiers. Après, je suis assez transparente sur le fait que ce n’est pas moi qui "deal" directement avec eux. J’ai des intermédiaires, parce que j’ai un restaurant parisien, donc il faut que je puisse centraliser mes achats.
Je travaille avec des entreprises comme Le Zingam (NDLR : une épicerie de quartier certifiée Bio) , par exemple, qui centralise des producteurs pour me permettre d’acheter tout ce dont j’ai besoin — que ce soit de la crèmerie, des fruits, des légumes, de la viande — auprès de personnes qui produisent correctement.
J’ai confiance en Le Zingam pour trouver les bonnes personnes, et ce sont eux finalement qui sont garants du choix des producteurs avec qui je travaille.
Si je pouvais, j’aimerais travailler beaucoup plus directement, avoir un fournisseur par catégorie de produits, passer une trentaine de commandes par semaine… Mais au bout d’un moment, je ne peux pas tout faire non plus, quoi.
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[Terre de liens] Comment tu définis la qualité d’un produit en cuisine ?
[Chloé Charles] Il y a plusieurs choses. Déjà, selon moi, il y a un truc qui ne se voit pas : c’est la manière dont c’est produit.
Je pense que mon premier métier, c’est de nourrir les gens — même si je le fais de manière… comment dire ? La nourriture que je leur sers est assez haut de gamme. Elle pourrait être beaucoup plus simple, mais ce n’est pas forcément ce qu’ils viennent chercher.
Mon métier premier, c’est quand même de nourrir. Et nourrir ne peut pas être décorrélé des apports nutritionnels, de la santé, et du fait de faire du bien à son corps — même si on mange des fritures et qu’on les aime.
Je sers des fritures, ce n’est pas le sujet. Mais ce que je veux dire, c’est que clairement, un produit issu de l’agriculture conventionnelle, voire intensive, ça ne fait pas du bien à son corps.
Même si on met de côté les éventuels pesticides, il n’y aura jamais autant de nutriments dans un produit issu d’agriculture intensive que dans un produit bio. C’est prouvé, c’est évident. Et ensuite, c’est le goût. Ça ne trompe pas.
Ça peut éventuellement tromper des personnes non averties, mais justement, une partie de mon métier, c’est de faire découvrir et de servir le goût — le truc qui aura le meilleur goût — à mes clients. D’aller au plus près de ce qui est le meilleur pour eux.
Même si on met de côté les éventuels pesticides, il n’y aura jamais autant de nutriments dans un produit issu d'une agriculture intensive que dans un produit bio. C’est prouvé, c’est évident.
Cheffe de cuisine et participante à la saison 12 de TopChef
[Terre de liens] Est-ce que tu te verrais être éleveuse, agricultrice, maraîchère, paysanne ?
[Chloé Charles] Non, je ne pense pas, parce que je suis trop citadine.
Comme je disais tout à l’heure, je n’ai pas choisi où je suis née. Je suis née à Paris, j’adore vivre à Paris et j’ai besoin de la ville.
Je ne me voile pas trop la face sur le sujet (rire).
[Terre de liens] Pourquoi as-tu accepté de faire ce reportage avec Terre de Liens et Brut ?
[Chloé Charles] Parce que c’est toujours un plaisir de rencontrer des gens qui font. Des gens passionnés. Et les gens passionnés sont passionnants.
Je ne prends jamais trop le temps, dans un quotidien déjà bien rempli, d’aller visiter des fermes, de rencontrer des agricultrices et agriculteurs.
Dès que j’en ai l’occasion, j’aime bien le faire, parce que ça me permet d’être consciente des réalités de chacun. Et je pense que c’est important de l’être, au moins un minimum, quand on fait le métier que je fais.
On nous demande beaucoup de parler de ces sujets-là, et on est beaucoup de chefs à prendre la parole sur le sujet.
Et je pense qu’on est beaucoup — et je peux m’inclure parfois dedans — à avoir parfois des avis sans vraiment connaître ce qu’il se passe.
Ça permet d’aller se confronter à la réalité des choses.
[Terre de liens] Est-ce que tu es plus sensible au sujet du végétal qu'on a traité pour le tournage d’aujourd’hui ?
[Chloé Charles] Oui, d'une certaine manière. Après, j’assume parfaitement mon côté omnivore : j’aime beaucoup le poisson, j’aime beaucoup la viande… En fait, j’aime un peu tout. Cela dit, étant assez engagée, je pense que ça fait partie de mes réflexions. Il y a encore trop de gens qui ont besoin d’avoir la preuve que manger végétarien peut être très très cool.
Par exemple, tu vois, à midi, on a mangé vegan et je pense que les produits animaux n’ont manqué à personne. Et je pense qu’on a encore tous — et moi y compris, honnêtement — besoin d’avoir la preuve que manger végétarien c’est hyper chouette.
[Terre de liens] Ce n'est pas triste ?
[Chloé Charles] Non, en fait, quand on dit "ce midi on mange vegan", il y a énormément de gens qui ont l’a priori de se dire que ça va être triste, ou peu nourrissant, ou fade. Alors que là, avec des courgettes, des concombres qui viennent d’être cueillis, les premières aubergines… C’est tellement bon qu’ils suffisent à eux-mêmes !
[Terre de liens] Comment imagines-tu la ferme de demain ?
[Chloé Charles] Ça, c’est dur à répondre parce que je ne travaille pas au quotidien dans ce milieu. Mais j’espère — enfin moi, il y a un truc auquel je crois — que, comme dans beaucoup de métiers manuels, il y ait une vraie reconnaissance. La révolution est déjà bien entamée dans mon domaine, la restauration, mais ce sont des métiers qui, au départ, ne sont pas très bien payés, car manuels et artisanaux. Les acteurs de ces milieux devraient pouvoir gagner leur vie correctement. Et aujourd’hui, le constat que j’en fais, en tant que citadine et de loin, c’est que les agriculteurs se rémunèrent souvent très peu, parfois en dessous du SMIC, ou bien, ils dépendent de grosses subventions européennes…
Et ces subventions vont souvent de pair avec une agriculture pas très vertueuse. C’est un cercle vicieux. L’idéal serait qu’ils puissent être rémunérés correctement, pour que plus de gens aient envie d’exercer ce métier — ce qui n’est clairement pas la tendance actuelle.
[Terre de liens] As-tu un message à faire passer aux fermiers de Terre de Liens ?
[Chloé Charles] J’ai envie de dire bravo. C’est courageux de s’installer aujourd’hui, de tenter un modèle agricole vertueux dans tous les sens du terme. On n’en parle pas assez, mais une ferme, c’est aussi une entreprise.
Ça peut paraître trivial, mais ce n’est pas parce qu’on est passionnés et passionnants qu’on n’a pas le droit de gagner sa vie correctement.
Je pense que c’est important que chacun puisse vivre dignement de son travail : payer des cours de danse à ses enfants, aller au cinéma, partir en vacances… C’est pour ça aussi que je ne négocie jamais les prix avec les producteurs avec qui je travaille en direct. Je sais que c’est une question de modèle économique à respecter, pour qu’il puisse durer, être vertueux. Parce que personne ne peut se réjouir du fait que certaine personne se paye 850 euros par mois aujourd’hui en France. Il y a un moment où ce n’est pas viable quoi.
[Terre de liens] Quel message vous voudriez faire passer aux citoyens sur le lien entre agriculture et nourriture ?
[Chloé Charles] C’est surtout un message pour les citoyens qui ont les moyens — financiers mais aussi de mobilité.
C’est d’essayer d’être toujours plus vertueux dans la manière dont on consomme. C’est-à-dire que manger des fruits et légumes bio, produits correctement, n’empêche pas de manger des Doritos au fromage de temps en temps. Ce n’est pas une punition à vie, c’est juste une alimentation du quotidien qui soit saine, équilibrée, bonne pour le corps, pour la planète, et pour ceux qui la produisent.
Je pense que si toutes les personnes en France qui ont la possibilité de le faire le faisaient réellement, ça changerait déjà beaucoup de choses.
Et c’est pour ça que je pense qu’il faut être honnête : le bio, oui, ça coûte un peu plus cher. C’est vrai. Mais pas tant que ça. Il y a plein d’autres choses à prendre en compte pour pouvoir manger des produits bio et de saison au quotidien :avoir une cuisine équipée, un certain bagage éducatif, évidemment un peu de budget… mais surtout du temps. Parce que quand on cumule deux boulots, on n’a pas forcément 30 minutes à passer en cuisine. Cela dit, si tous ceux qui le pouvaient s’y mettaient vraiment, ce serait déjà énorme.
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