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Publié le 17 juin 2025 , mis à jour le 15 octobre 2025
Connu pour sa cuisine zéro déchet et son iconique harnais de couteaux, le chef Éloi Spinnler découvre sous les caméras du média Brut. la ferme de Trévéro. Avec Régis, le fermier, Terre de Liens vous embarque dans le quotidien d'une ferme qui s'est donnée comme mission "de construire un système agricole soutenable humainement et écologiquement" et dans l'assiette d'un chef qui se revendique "0 déchet et éco-responsable". Vidéo et interview à découvrir.
Retrouvez la vidéo Brut de la visite d'Eloi Spinnler sur la ferme de Trévéro.
7h du matin, le 26 mai 2025, la gare Montparnasse grouille déjà alors que Paris se lève sous un soleil de printemps. Le quai regroupe des “vrais” bretons pressés de quitter paris et les bretons d’un jour ou deux, déambulant en rayés et cirés jaunes.
2h30 plus tard après avoir traversé la campagne et les terres du “remembrement” on attend le chef cuisinier “star des réseaux sociaux” en face de la gare de Vannes. Tout sourire, en jean et t-shirt, Eloi Spinnler, trente ans à peine nous dit rapidement à quel point il est heureux de venir sur le terrain, d’aller à la rencontre de ces paysan·nes, qui grâce à leurs fermes produisent la substantifique moelle de sa cuisine engagée.
Sous la marque Bonaloi, Eloi Spinnler a ouvert deux restaurants dans la capitale : “Orgueil” (11ème) et “Colère” (9ème). Après avoir écumé les plus grandes cuisines de France et du monde (La tour d’argent, Plaza Athénée, The Dorchester), le jeune bourguignon a souhaité mettre ces expériences au service d’une conviction forte : tout ce qu’il prend à la nature, il le consomme. Il se définit comme un chef zéro déchet et éco-responsable. Comme Eloi Spinnler l’exhorte, “chez Bonaloi, chaque produit entre entier et ressort sublimé”. Après l’orgueil et la colère, c’est la gourmandise qui nous attend sur la ferme de Trévéro que nous nous apprêtons à rejoindre avec Eloi.
Entre les cochons en cavale, les boeufs de prairies, les poules qui pâturent, les jeunes pousses de chanvre et les pommes glanées, l’équipe de paysan·nes de la ferme du Trévéro emmenée par Régis et Benjamin cherche avec “humilité et pragmatisme” à “construire un système agricole soutenable humainement et écologiquement”.
L'objectif de cette visite bretonne ? Mettre sur la table les enjeux qui lient notre agriculture et notre alimentation. Alors que 33% des protéines animales finissent à la poubelle, comment s’adapter aux réalités économiques et aux besoins nourriciers qu’exigent nos manières de manger ?
Pour le chef Eloi Spinnler, bien et mieux manger c’est possible grâce au zéro déchet. Les odeurs qui s’échappaient ce jour-là de la cuisine-grange aux allures de guinguette collective l’ont prouvé. La vidéo Brut. est à retrouver dans notre article, ainsi que l’interview exclusive d’Eloi Spinnler.
[Terre de liens] Comment tu te sens après cette journée dans une ferme Terre de liens ?
[Éloi Spinnler] Ça m’a mis de trop bonne humeur de voir des gens qui sont passionnés par ce qu’ils font, qui essayent d’avancer dans la bonne direction et qui sont adorables et hyper accueillants !
[Terre de liens] Est-ce qu’il y a une chose qui t’a particulièrement marqué aujourd’hui ?
[Éloi Spinnler] Honnêtement, il y a plein de trucs qui m’ont marqué. J’ai appris déjà plein de choses que je ne connaissais pas sur l’agriculture raisonnée, sur le roulement des cultures, sur l’ambiance qu’il peut y avoir sur une ferme. Parce que le fait qu’on ait fait à manger pour la vingtaine de personnes qui vit et travaille sur la ferme, ça montre qu’on peut faire les choses dans la bonne humeur. Quand on regarde les médias aujourd’hui c’est dramatique, on a l’impression que tout le monde va se tirer une balle, mais une agriculture qui a du sens, elle peut être faite avec beaucoup de bonne humeur et de convivialité.
[Terre de liens] Est-ce que tu connaissais Terre de liens avant de venir ?
[Éloi Spinnler] Alors je ne connaissais pas Terre de liens avant de venir mais je pense que c’est une association qui gagne fortement à être connue, vu ce qui s’est passé aujourd’hui.
[Terre de liens] En quoi la ferme de Trévero est différente des autres fermes que tu as pu visiter ?
[Éloi Spinnler] On sent qu’il y a un vrai bel accompagnement de la part de Terre de liens. On sent que les responsables de la ferme ne sont pas laissés dans la nature. On sent qu’ils font ce qu’ils aiment et on sent que sur les choses sur lesquelles ils avaient moins de notions au début, ils ont été bien accompagnés.
[Terre de liens] Quel est ton lien avec le monde agricole ou paysan ? En tant que citoyen mais aussi en tant que chef ?
[Éloi Spinnler] Moi de base je ne suis pas du tout issu de l’agriculture. Mon père travaillait à l’INRA mais sur la partie agronomie, il travaillait sur le développement microbien. Donc c’est un milieu que j’ai assez peu fréquenté jeune. Mais j’ai toujours adoré toutes les visites à la ferme que j’ai pu faire, aussi bien en tant que chef qu’en étant enfant. C’est un truc que j’aimerais faire plus. Nous, on réfléchit aujourd’hui chez Bonaloi à monter notre propre chaîne de valeurs, parce que c’est quelque chose qui a du sens de pouvoir exactement maîtriser l’intégralité de tes coûts. Et c’est dur de vouloir travailler au mieux et de faire confiance sans aller sur le terrain. Donc pour nous c’était hyper important avant qu’on ouvre Bonaloi, de faire le tour de nos fournisseurs et c’est quelque chose que j’aimerais faire beaucoup plus souvent.
[Terre de liens] Et en tant que citoyen ?
[Éloi Spinnler] Les chefs devraient être des porte-paroles pour les agriculteurs. On essaye de les mettre en avant dès qu’on peut parce que c’est les chefs de cuisine qui doivent montrer aux citoyens la bonne direction de l’alimentation.
[Terre de liens] Quel est le lien entre agriculture et cuisine ?
[Éloi Spinnler] C’est vraiment le prolongement. Se nourrir c’est un des besoins principaux de l’être humain et du règne animal en général. L’agriculteur fait la matière première mais ensuite pour la consommer le plus intelligemment possible il y a les chefs. Enfin, il y a des agriculteurs qui cuisinent très bien c’est certain ! Mais réfléchir à la production culinaire sur des grandes quantités, c’est le métier des chefs.
[Terre de liens] Est-ce que tu te fournis auprès de fermier·eres dans ton quotidien de cuisinier et comment est-ce que tu définis la qualité d’un produit dans ta cuisine ?
[Éloi Spinnler] Je me fournis avec beaucoup de fermiers sur les éléments qui sont utilisés à plus de 90% dans nos assiettes. C’est très dur de travailler sur du 100% fermier avec notamment la crémerie, pour les raisons qu’on connaît. Mais sur les végétaux et la partie protéine animale, oui, on le fait beaucoup. On s’aide surtout d’Ecotablequi nous fait des audits et nous donne un bon marqueur.
Mon rêve, ce serait à terme qu’il y ait quelqu’un chez nous qui soit 100% responsable de notre approvisionnement. Qu’il aille à la rencontre des éleveurs, qu’il comprenne leur problématique et que derrière, il présente ces problématiques à nos chefs pour ensuite on essaye de les solutionner dans nos restaurants.
Je trouve que ça a du sens de faire une vidéo qui reconnecte chefs et agriculteurs.
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[Terre de liens] Est-ce que tu te verrais être paysan ?
[Éloi Spinnler] Bonne question. C’est un métier qui est très très dur et honnêtement je ne pourrais pas dire oui. Et puis j’aime bien la civilisation aussi ! Je salue d’autant plus le courage de ces agriculteurs.
[Terre de liens] Pourquoi est-ce que tu as accepté de faire ce reportage avec Terre de liens et Brut ?
[Éloi Spinnler] Parce que je trouve que ça a du sens de faire une vidéo qui reconnecte chefs et agriculteurs. On a absolument besoin de paysans qui travaillent de manière qualitative et je pense que les chefs sont aussi les porte-voix de la manière de s’alimenter au quotidien et qu’on subit sur beaucoup de sujets les erreurs des générations précédentes et que maintenant il faut qu’on reprenne le flambeau. Il faut qu’on aille vers une vision nouvelle de l’alimentation qui passe par la compréhension des paysans et la mise en valeur de leur travail.
On subit sur beaucoup de sujets les erreurs des générations précédentes [...] maintenant, il faut qu’on reprenne le flambeau.
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[Terre de liens] Comment est-ce que tu imagines la ferme de demain en tant que cuisinier ?
[Éloi Spinnler] Ce n’est pas évident cette question… En fonction des villes ou des zones rurales le modèle de ferme n’est pas le même. Typiquement ce soir, je visite La Plantation qui est une ferme urbaine dans le XVIIème arrondissement et je pense qu’on a besoin de beaucoup plus de travailler notre alimentation pour ensuite définir notre besoin en aliments.
Il est évident qu’il faut qu’on réduise notre part de viande consommée. Quand on voit sur la ferme de Trevero que pour produire de manière raisonnée il faut 15 hectares pour produire 140 cochons-charcutiers de manière saine et 20 hectares pour produire 7 boeufs par an, c’est impossible qu’on continue de jeter 33% d’un animal qui a été abattu. C’est impossible qu’on mange de la viande tous les jours et qu’on en mange surtout de la mauvaise. Donc il faut que l’État prenne le sujet à bras le corps car écologiquement et même pour les agriculteurs ce n’est pas tenable et ce n’est pas intelligent.
[Terre de liens] Pourquoi est-ce que tu es sensible à la thématique du zéro déchet ?
[Éloi Spinnler] Avant tout pour le travail des agriculteurs mais aussi pour des raisons économiques. Le métier d’agriculteur, c’est un métier qui est compliqué donc c’est impossible de se dire que 33% de leur travail est foutu à la poubelle. Et évidemment pour des raisons économiques parce que si on veut avoir un modèle rentable de restauration dans 10 ans il faut qu’on arrête de jeter. Ce n’est pas pour mille raisons que le groupe Bonaloi est un modèle économique rentable, c’est parce qu’on fait du zéro déchet et ça nous permet d’améliorer le confort de nos employés derrière et de nous développer : tout ça part du zéro déchet.
Le métier d’agriculteur, c’est un métier qui est compliqué donc c’est impossible de se dire que 33% de leur travail est foutu à la poubelle.
Chef
[Terre de liens] Est-ce que tu as un message à passer aux citoyens sur l’importance du message entre agriculture et alimentation ?
[Éloi Spinnler] Bien manger ça coûte soit de l’argent, soit du temps donc il faut être malin. La plupart des gens qui manquent d’argent, il faut qu’ils dédient du temps à cuisiner des produits de qualité et pour ça, ça passe par une cuisine en groupe de manière conviviale. Réfléchir et repenser notre emploi du temps pour passer du temps en cuisine et prendre le temps d’aller chercher des produits de qualité soit sur le marché, soit chez des agriculteurs à côté de chez vous.
[Terre de liens] Est-ce que tu as un message à passer aux fermiers et fermières Terre de liens ?
[Éloi Spinnler] Un énorme merci, je n’ai rien d’autre à dire.
[Terre de liens] Est-ce que tu aurais trois mots pour décrire Terre de liens ?
[Éloi Spinnler] Convivialité, sens et respect.
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