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Local ne rime pas avec préférence nationale

Publié le 4 juillet 2024 , mis à jour le 4 juillet 2024

On pourrait penser que défendre une agriculture et une alimentation locales se rapproche de l’idée d’une “préférence nationale alimentaire”, ce serait un raccourci trompeur.

  1. Tout d’abord, le local est une question de distance et non de frontière administrative. Il est logique de manger des produits italiens à Nice, comme il est déplorable que beaucoup de produits alimentaires consommés dans les outre-mer sont importés de l’Hexagone et non des pays voisins.
  2. L’idée de local indique la volonté d’une autonomie alimentaire de territoire valorisant le terroir, raccourcissant les trajets logistiques et permettant une relation sociale entre producteurs et consommateurs (que nous promouvons à Terre de Liens), cela n'a rien à voir avec la nationalité ou l’origine des producteurs et des mangeurs du territoire.
  3. Par ailleurs, local, n’est pas localisme, et encore moins autarcie. Nos systèmes alimentaires peuvent être constitués de production en circuit court et de filières plus ou moins longues imbriquées, sans que ce soit incohérent, sinon pas de légumes en montagne, et pas de fromages de montagne en plaine. Et surtout, pas d’alimentation tout court à Paris ! Par ailleurs, il pourrait être plus logique de faire venir dans l'Hexagone des bananes d'Afrique de l’Ouest, plutôt que celles des Antilles françaises, qui elles pourraient être consommées en Amérique du Nord. Et la maigre production de café de nos outre-mer ne suffira pas à alimenter la demande hexagonale. Bref, nous avons encore besoin de filières internationales et comme nous portons des valeurs de solidarité et de justice, ces filières devraient s'aligner sur les principes du commerce équitable.
  4. Le tout local n’a pas forcément de vertu environnementale. Si les chaînes logistiques sont mal organisées, elles peuvent être très émettrices de gaz à effet de serre, même sur des courtes distances. Le local ne génère pas forcément des pratiques agricoles plus vertueuses, et privilégier des produits locaux qui participent à la destruction des sols et à la pollution de l’air et de l’eau, n’est pas souhaitable, même si polluer chez les autres ne l’est pas plus.
  5. On dit souvent que l’agriculture française est celle qui a les normes environnementales les plus fortes et que ce serait donc l’agriculture la plus environnementale au monde. Loin des faux discours sur la surtransposition des normes sur les pesticides, la France est parmi les trois pays européens qui autorisent le plus de substances.
  6. Par ailleurs, fermer les frontières à la main-d'œuvre étrangère ne sera pas une solution pour l’agriculture. L’agriculture française a besoin de main d'œuvre étrangère pour fonctionner. En plein Covid, l’opération très médiatisée “des bras pour nos assiettes” a été un échec retentissant. S’ils ne sont pas majoritaires parmi les saisonniers agricoles en France, les migrants en représentent une part significative et nécessaire. L’agriculture locale a besoin des étrangers ! Mais nous traitons très mal ces derniers : les scandales de conditions de travail proches de l’esclavage ou de la traite d’être humain défrayent régulièrement la chronique et donnent lieu à de plus en plus de condamnations au tribunal. Plutôt que de critiquer ces personnes qui nous nourrissent et font vivre nos campagnes, nous ferions mieux de les accueillir dignement et de forcer les entreprises qui les emploient à respecter les droits de l’Homme dont nous sommes si fiers.
  7. Les travailleurs étrangers dans l’agriculture française ne sont pas la cause de la baisse du nombre d’agriculteur·trices en France. Cette baisse dramatique est avant tout liée à un modèle agricole français qui ne permet pas aux nouvelles générations de s'installer.
  8. De même, la prise de contrôles des terres par les étrangers, notamment chinois, est anecdotique en France, alors que leur accaparement par des firmes bien françaises, met en péril toute relocalisation de notre alimentation.
  9. En revanche, il est certain qu’il existe une concurrence déloyale (sociale et économique) dans certaines filières en défaveur de la France. Ainsi, les maraîchers et arboriculteurs produisant en France ne peuvent produire au prix de leur homologues espagnols. Cela explique en grande partie pourquoi la part de production française dans notre consommation de fruits et légumes ne cesse de diminuer. Mais abaisser nos normes environnementales et sociales n'est bien sûr pas la solution. Voulons-nous vraiment nous aligner sur le moins disant mondial en la matière ou réserver des conditions sociales moins bonnes aux travailleur·euses ? Face à cela, la Confédération paysanne propose des prix minimum d’entrée, qui ne nécessitent pas la mise en place de politique de préférence nationale.
  10. Dans un contexte d’inflation alimentaire galopante, multiplier les labels origine France, ne changera rien à la donne. En effet, une part de plus en plus importante de nos concitoyen·nes n’arrive pas à se payer l'alimentation de son choix.
  11. Enfin, protéger l’agriculture française ne peut se penser de manière unilatérale. En effet, l’agriculture Française et la PAC ont des effets délétères sur nombre d’agricultures du Sud global, bien plus que l’inverse. Nos politiques agricoles doivent donc aussi prendre en compte ces questions de solidarité internationale.

A Terre de Liens nous sommes des partisan·nes d’une relocalisation de l’agriculture et de l’alimentation. Cependant, pour être vertueuse, elle ne peut se faire n’importe comment, et demande de porter une attention particulière aux conditions sociales et écologiques de sa mise en œuvre. Ce qui est certain, c'est que, pour réussir une telle relocalisation, il n’est absolument pas nécessaire de discriminer qui que ce soit sur sa nationalité ou son origine !

Que propose le Rassemblement National sur les sujets agricoles dans son programme pour les législatives ?

Dans son programme pour les législatives, le RN propose quatre mesures, une ambition bien mince face à l'ampleur des attentes des agriculteur·trices et des citoyen·nes.

Renforcer les contrôles des importations pour mettre fin à la vente de produits étrangers ne respectant pas les normes françaises

Il s'agit des "mesures miroirs" portées depuis des années par la Fondation pour la Nature et l'Homme et reprises par Gabriel Attal cet hiver. Ce n’est donc pas une spécificité du Rassemblement National et le Nouveau Front Populaire propose aussi dans son programme d'"Interdire l’importation de toute production agricole ne respectant pas nos normes sociales et environnementales".

Garantir des prix rémunérateurs pour les agriculteurs

Le RN s'est abstenu de voter une proposition d'EELV "visant à garantir un revenu digne aux agriculteurs et à accompagner la transition agricole" à l'Assemblée nationale, en avril dernier.

Généraliser l’étiquetage sur l’origine et la qualité des produits alimentaires

Cela ne changera rien si les consommateur·trices n’arrivent pas à se payer l'alimentation de leur choix (aujourd’hui, un tiers saute un repas de temps en temps pour des raisons économiques et 10% vont à l'aide alimentaire).

Lancer un grand plan « Manger français » obligeant les cantines à utiliser 80 % de produits agricoles français à l’horizon 2027

Français oui, mais si ces produits sont industriels et conventionnels cela revient à empoisonner nos sols, notre eau, notre air et nos enfants.

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