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Publié le 2 juillet 2025 , mis à jour le 15 octobre 2025
La chef étoilée Manon Fleury cuisine les céréales de la ferme du mont d'Or près de La Rochelle
© Sandrine MulasLa France "grenier de l'Europe" consacre la moitié de ses productions céréalières à l'exportation pour l'alimentation animale. Pourtant, elle importe 75% de ses pâtes et semoules, nous rappelle le 4ème rapport de Terre de liens sur l'état des terres agricoles. Face à cette aberration, Emmanuel Marchand, fermier dans "la petite Beauce", près de La Rochelle, a choisi de cultiver ses céréales d'une autre façon. Dans un territoire marqué par les grandes exploitations, une forte utilisation d'intrants chimiques et une faible autonomie alimentaire, il souhaite prouver qu'une culture paysanne et locale à destination d'une alimentation humaine a toute sa place. Manon Fleury, cheffe étoilée du restaurant Datil, milite, elle, pour remettre les céréales au centre de nos assiettes. Elle est l'autrice du livre Céréales aux éditions Flammarion. Tous les deux, ils ont accepté de se retrouver dans la ferme d'Emmanuel, entre champs et cuisine pour partager leur passion commune pour les céréales, sous l'oeil des caméras de Brut. et les questions de Terre de liens. L'épisode 4 de la série "Du champ à l'assiette" est à découvrir en vidéo et en mots dans notre article.
Regarder la vidéo de Manon Fleury sur la ferme du Mont d'Or
Manon Fleury : La beauté de cet endroit parce que j’ai l’impression que leur maison est un peu au centre du paysage de la ferme avec les champs autour, j’ai trouvé que c’était magnifique. On a eu de magnifiques lumières, on a eu aussi les couleurs de la diversité, notamment dans le champ de blé qui contient 15 variétés différentes. Moi, c’est des images après qui me restent en tête quand je cuisine et qui me font du bien quand, parfois, on est un peu pris dans notre quotidien de cuisinier. Il n’y a pas de fenêtre à Paris, et ça fait du bien de se rappeler ces moments pour faire travailler notre créativité.
Manon Fleury : Oui, je connaissais Terre de liens parce que qu’il y a mon maraîcher qui est en train de céder sa ferme et qui nous en a parlé. Donc j’ai connu grâce à lui, je ne connaissais pas avant.
Il faut qu’on ait des acteurs comme Terre de Liens qui puissent soutenir à la fois les petits accédants à la terre et des personnes qui ont besoin de soutien.
Cheffe du restaurant Datil
Manon Fleury : Ce que j’en ai compris, c’est que c’était un magnifique moyen de soutenir l’accès à la terre et de préserver des terres agricoles. Et c’est essentiel pour notre travail. Je pense que ce sont des acteurs qui sont essentiels dans la préservation d’un écosystème, comme le fait Emmanuel [le fermier, NDLR]. Il faut qu’on ait des acteurs comme Terre de Liens qui puissent soutenir à la fois les petits accédants à la terre et des personnes qui ont besoin de soutien. On a besoin d’acteurs qui permettent cet accès à la propriété, qui est quelque chose de très difficile quand on veut être paysan. C’est une chose de devenir agriculteur, mais je crois qu’il y a vraiment un sujet sur la propriété. Et puis, dans l’histoire d’Emmanuel, il y a une question aussi de l’ordre de la transmission, et cette transmission a été soutenue à ce moment-là. C’est un enjeu crucial aussi dans le monde agricole : parfois des générations ne s’entendent pas, ne veulent pas faire la même chose. Il y a des changements selon les générations. Il y a aussi une question de modèles économiques et de choix politiques. C’est super qu’il y ait des acteurs qui existent comme Terre de liens, qui permettent aussi d’avoir des réseaux d’entraide. C’est très important qu’il y ait ces réseaux, là où souvent un des principaux facteurs de mal-être des agriculteurs, c’est le fait de se sentir isolé.
La cuisine doit pouvoir valoriser, avec des techniques, un regard, une sensibilité, une poésie, ce qu’il se passe dans le milieu agricole.
Chef étoilée du restaurant Datil
Manon Fleury : En tant que cheffe, c’est une manière de s’intéresser à la base et à la matière première de notre métier. Pour moi, c’était un devoir de connaître les enjeux du monde agricole et des personnes avec qui je travaille pour pouvoir connaître le produit que je cuisine et être le dernier maillon de la chaîne qui va valoriser ces produits. C’est comme si j’étais couturière et que je ne m’intéressais pas à la laine que j’utilise. Pour moi, c’est essentiel de connaître cette matière-là, de comprendre les enjeux du vivant. On en a beaucoup parlé aujourd’hui : rotations des sols, diversité, écosystèmes. Quand on a cette connaissance, on s’adapte mieux aux contraintes des producteurs et on a un plus beau regard sur la diversité. On a envie, surtout à cette saison, de mettre plein de choses dans l’assiette et de valoriser cette richesse du monde végétal.
Manon Fleury : Ce sont deux mondes qui doivent être interconnectés et qui sont interdépendants. En tout cas, moi, la manière dont j’ai envie d’investir la cuisine, elle doit être au service de l’agriculture. La cuisine doit pouvoir valoriser, avec des techniques, un regard, une sensibilité, une poésie, ce qu’il se passe dans le milieu agricole. Et même si aujourd’hui on voudrait déconnecter complètement la cuisine – c’est ce que fait l’alimentation industrielle – je pense qu’il faut créer une vraie connexion. Il ne faut pas voir les enjeux climatiques comme un poids, mais comme une opportunité pour créer. Grâce à ces évolutions, on a accès à de nouveaux produits, comme de la citronnelle, du gingembre... Il y a des maraîchers dans le sud qui font pousser des avocats. Donc la cuisine française peut évoluer avec ces produits, les valoriser, et influencer les modes de consommation du grand public.
Avec l'épargne solidaire, votre placement est directement investi dans l’achat de fermes qui permettent à de nouvelles générations de s’installer et de produire une alimentation de qualité. Terre de Liens s’engage à promouvoir un modèle agricole biologique, respectueux des sols et de l’eau et favorisant la biodiversité.
Manon Fleury : Pas du tout. Même si j’y ai pensé, même si je l’ai fait avant d’ouvrir Datil. J’ai passé du temps à la ferme des Limons de Toulotte avec Xavier Fender, un de nos maraîchers principaux, et aussi chez un autre, Maxime Grémont, avec sa ferme "Au rythme des saisons". J’aime ce rapport à la terre, à la nature, à la matière. Mais c’est un métier hyper difficile. Et j’ai déjà assez avec le mien. Je n’ai pas besoin d’être paysanne. Beaucoup de chefs ont un jardin à côté, notamment à la campagne. Mais ce sont des métiers très différents. Ce qui est intéressant, c’est de créer des échanges avec des paysans qui ont un savoir, qui vont nous l’apporter. Et moi, je n’ai pas besoin d’avoir mon jardin pour faire une cuisine qui me ressemble.
Manon Fleury : J’ai accepté parce que c’était l’occasion de rencontrer Emmanuel et sa femme Laetitia. C’est assez rare que les médias mettent en avant ces questions agricoles, notamment sur de petites fermes comme celle d’Emmanuel. Il y a un vrai enjeu à valoriser ce savoir-faire paysan. Même si j’ai parfois l’impression de faire de la haute couture dans mon métier, je sais que ça a une influence sur les modes de consommation. Brut touche un public très large, donc c’est intéressant d’avoir un effet de ruissellement sur des publics moins avertis.
Manon Fleury : Déjà, j’adore les céréales, c’est la base de mon alimentation. Ensuite, c’est un enjeu pour l’autosuffisance alimentaire en France. Il y a aussi la question de l’équilibre de l’assiette, la diminution des protéines animales, pour des raisons écologiques et de santé. Les céréales, comme les légumineuses, apportent des protéines et sont fondamentales dans la cuisine mondiale. Parler de leur diversité, c’est essentiel.
De plus en plus de femmes se lancent, et il faut qu’elles puissent s’installer.
Manon Fleury : Il y a plein de choses similaires. On en avait discuté lors de tables rondes entre maraîchères, paysannes et cuisinières. On leur a longtemps dit qu’elles n’avaient pas la force, qu’elles n’étaient pas à leur place. C’est pareil dans la cuisine. Entre les enfants, la vie privée et les horaires, c’est difficile. Mais de plus en plus de femmes se lancent, et il faut qu’elles puissent s’installer. C’est pareil pour les restaurants : permettre aux femmes d’avoir des responsabilités, d’accéder à la propriété, pour faire évoluer les choses.
Manon Fleury : Je pense qu'il y a de plus en plus de gens qui sont un peu déconnectés et qui n'arrivent pas à revenir à la base, et je pense que ça aide quand tu es à l'échelle locale de se reconnecter avec les fermes qui sont autour de chez soi, une AMAP, des réseaux comme ça. Franchement, bien souvent, quand on va s'alimenter directement à la ferme, quand on adhère à une AMAP, etc...c'est, au niveau budget et au niveau économique, assez intéressant. Plutôt que d'aller au supermarché du coin et acheter un plat préparé, finalement, parfois, ça coûte moins cher d'acheter un kilo de lentilles et des légumes que d'acheter un plat préparé tout fait.
En même temps, évidemment qu'il y a des contraintes de temps. Évidemment qu'une femme, qui est mère, qui élève seule ses enfants et qui cumule trois emplois, elle n'a pas vraiment le temps de se poser ces questions-là. C'est aussi des questions politiques. Je sais très bien qu'il y a aussi une question de classe, de considération, et d’avoir le bagage culturel pour pouvoir se poser ces questions-là.
Mais je pense qu’il y a aussi vraiment un enjeu de s’intéresser à ces produits, de connaître la saisonnalité. Même si aujourd’hui on dit « saisonnalité », tout le monde a l’air de connaître ce que c’est, en fait quand tu interroges les gens, ils n’en savent rien. Quand est-ce qu’est la vraie saison des tomates ? La saison des tomates, c’est de fin juillet à fin octobre. Et ça, je pense que tu fais un micro-trottoir, il n’y a pas beaucoup de gens qui le savent.
Donc il y a plein de choses comme ça qui, je pense, devraient être ancrées dans la saisonnalité, donc aussi dans les évolutions liées au changement climatique et aux produits bruts. Et ça, c’est ce que je valorise au maximum quand je donne des astuces de cuisine au quotidien : c’est de se dire, plutôt que d’essayer de faire une recette méga compliquée, avoir justement une bonne tomate à maturité avec juste un filet d’huile, une fleur de sel, et puis, un morceau de poulet ou des céréales. C’est quand même meilleur pour la santé que de manger un plat préparé ou un truc surgelé et transformé en général. Donc il y a, je pense, une nécessité de revenir aux produits bruts.
Donc la connexion avec le monde agricole, elle doit servir à ça : revenir à la base et manger des choses qui font du bien.
Manon Fleury : Que c’est chouette de pouvoir voir ce genre de modèle, et que pour moi l’important, c’était que ces personnes-là ne sortent pas de leur métier, enfin, que ces personnes puissent continuer à faire leur métier.
Comme moi, j’essaie à mon échelle, quand je vois des jeunes chefs qui ont envie de s’installer, qui ont envie de faire des choses, j’essaie de créer aussi de l’entraide, de leur donner des tips. Je pense qu’il y a un vrai truc pour que les gens ne se sentent pas isolés et puissent bénéficier de réseaux comme ça d’entraide.
C’est très chouette que ce genre d’acteurs comme Terre de liens existent.
Soutien…
Beauté, parce qu’on a parlé de paysages tout à l’heure...
Et transmission.
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