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Le Groupement foncier agricole d’épargnants : un outil financier contre-productif pour le renouvellement des générations

Publié le 24 octobre 2023 , mis à jour le 24 octobre 2023

© Pexels / Damian

Alors que la Loi d’orientation agricole n'arrivera vraisemblablement que début 2024 devant le parlement, une proposition de loi est étudiée au Sénat pour faciliter l'investissement dans le portage du foncier agricole. Avant d’envisager d’agir sur le portage, les Amis de la Terre, la Confédération paysanne, le Miramap et Terre de Liens demandent aux parlementaires de travailler en urgence sur la question de la régulation foncière pour permettre d’orienter les terres libérées vers l’installation, l’étoffement des plus petites structures et la transition agroécologique, que ce soit dans la future LOA, ou dans un projet ou proposition de loi qui suivrait.

La sénatrice Vanina Paoli-Gagin défendra le 30 octobre prochain au Sénat une proposition de loi créant des « Groupements fonciers agricoles d’épargnants ». L’objectif est de donner la possibilité aux GFA de faire un appel public à l’épargne et de faire bénéficier les épargnants d’une réduction des trois-quarts des droits de mutation et de l’impôt sur la fortune immobilière. Seule obligation : les biens immobiliers du groupement foncier doivent être donnés à bail à long terme. Nos organisations s’inquiètent de la mise en œuvre d’un tel outil. Adressé aux plus gros patrimoines cherchant à défiscaliser, il est un pas de plus vers la financiarisation du foncier agricole. Il ne résoudra pas les problèmes d’installation et oublie le seul levier à même de répondre globalement à cet enjeu : la régulation foncière.

Un frein majeur : le manque d’accès au foncier

L’accès au foncier est un des freins majeurs à l’installation de nouveaux agriculteurs (notamment ceux qui ne bénéficient pas d’une transmission de l’exploitation agricole de leurs parents) et à l’étoffement des plus petites structures. Cela est notamment dû à la régulation insuffisante des marchés fonciers. Les GFA mutuels ou solidaires, composés uniquement de personnes physiques, constituent des outils intéressants pour organiser la propriété collective du foncier et mobiliser l’épargne citoyenne. Ils méritent d’être rénovés pour simplifier les procédures administratives de création, de gestion, d’entrées-sorties. Toutefois, le problème de la transmission ne peut pas être réduit à la question du portage foncier : en effet, la reprise du capital d’exploitation (cheptel, matériel…) pèse aussi financièrement sur les installations, souvent plus que le foncier.

Les GFA d'épargnants pourraient renforcer la concentration foncière, au détriment de l’agroécologie

En théorie, les terres concernées pourront être louées à tout agriculteur, grand ou petit. Dans la pratique, le nouveau dispositif bénéficiera surtout aux grandes structures, les seules à même de s’engager sur des loyers supérieurs à ceux des baux de 9 ans. Ce dispositif accompagnera ainsi la dynamique actuelle de concentration des terres et de renforcement de l’agriculture industrielle, car les fermiers les plus à même de payer des loyers élevés sont ceux qui sont déjà installés, et pas forcément dans les systèmes les plus écologiques.

Sans régulation, le portage foncier ne servira à rien

Plus de 60 % de la surface agricole utile est déjà “portée” par des tiers à l’agriculture et louée en fermage. Le marché foncier annuel des ventes agricoles est de 7 milliards d’euros et les SAFER orientent déjà le marché foncier agricole en intervenant sur 25 à 30 % des ventes (à l’amiable et en préemption). Utiliser massivement le portage pour faciliter l’installation des nouveaux agriculteurs serait donc une tâche nécessitant des fonds conséquents. En tout état de cause, le portage foncier ne s’appliquera que sur un volume réduit de surfaces libérées par les cessations d’activités agricoles. Il convient donc de rénover les outils d’orientation du foncier que sont les SAFER et le contrôle des structures pour orienter les terres en faveur du renouvellement des générations et de l’écologisation des pratiques agricoles. Cela devrait commencer par revoir la façon dont les schémas directeurs des exploitations agricoles, qui orientent SAFER et contrôle des structures, sont rédigés et appliqués. Nous rappelons qu’agir pour l’installation agricole par la régulation foncière est la priorité recommandée par un rapport parlementaire européen voté le 19 octobre dernier et salué par le Commissaire européen à l’agriculture.

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