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Sous le bitume, des terres agricoles

Publié le 1 juin 2022 , mis à jour le 17 août 2023

Avec 52 % du territoire national occupé par les terres agricoles, la plus grande surface agricole de l’Union Européenne, pourquoi crier à l’urgence de stopper l’artificialisation des terres en France ?
À l’approche des élections législatives, retour sur un problème de fond parfois méconnu.

Depuis 30 ans, la dynamique d’artificialisation est constante. La France artificialise chaque année entre 50 000 et 60 000 hectares soit l’équivalent d’un terrain de foot toutes les 7 minutes.

Mais au fait, l’artificialisation, c’est quoi ?
→ Voilà ce que nous dit l’INSEE : On parle d’artificialisation lorsqu’il y a transformation d’un sol à caractère agricole, naturel ou forestier par des actions d’aménagement, pouvant entraîner son imperméabilisation totale ou partielle. Ce changement d’usage des sols, le plus souvent irréversible, a des conséquences qui peuvent être préjudiciables à l’environnement et à la production agricole.

Les terres agricoles, premières victimes du béton

Entre 1960 et 2010, les surfaces artificialisées ont doublé. Or, moins bien protégées que les espaces naturels et forestiers, les terres agricoles qui nous nourrissent sont les premières victimes de cette artificialisation.
Dans les zones urbaines et péri-urbaines, la pression sur ces terres est ininterrompue. Laissées en friche dans l’attente de leur devenir « constructible », elles sont l’objet d’une spéculation continue. À tel point que dans des endroits comme le Var, le potentiel de terres agricoles aujourd’hui non cultivées est estimé à 32 700 hectares, soit 45% de la surface agricole utile du département.
Le prix de ces terres susceptibles de devenir constructibles les rend incompatibles avec une installation agricole.

Et il n’y a pas que le béton...

Hormis l’artificialisation, les terres subissent de très fortes dégradations sous l’effet des activités humaines, dont l’agriculture conventionnelle, qui cherche à maximiser la production par l’utilisation importante d’engrais chimiques ou de pesticides.
Ceux-ci portent atteinte à l’ensemble de l’écosystème, tuant les insectes et invertébrés indispensables au fonctionnement des sols, polluant les rivières et les milieux aquatiques, détruisant les habitats naturels et les sources de nourriture des animaux. Une catastrophe pour le climat aussi, puisque la poursuite des tendances d’artificialisation actuelles jusqu’en 2050 conduirait à un déstockage de CO2 équivalent à 75% des émissions françaises de l’année 2015.

Des terres mal protégées

Mais alors, que font les pouvoirs publics ?
Les cadres législatifs et réglementaires se révèlent pour l’instant incapables d’enrayer le phénomène d’artificialisation. L’agence européenne de l’environnement elle-même assure qu’il y a un manque d’instruments juridiquement contraignants quant à la protection des sols.
La Loi Climat et résilience votée l’an dernier a quant à elle douché bien des espoirs.
Sur le front de la lutte contre les pesticides, depuis 2008 les plans Ecophyto visent à accompagner la réduction des usages et des effets des produits phytosanitaires. Dix ans d’importants fonds publics mobilisés plus tard, la Cour des Comptes constate pourtant que les effets de ces plans sont “très en deçà des objectifs fixés.”
C’est probablement dans la lutte contre le changement climatique que l’action publique a été la plus active. Pressés par l’opinion publique, les objectifs ambitieux pleuvent, mais les applications concrètes se font toujours attendre.
Bref, les réponses à cet immense défi contemporain qu’est la préservation des sols sont encore bien trop timides ; or le temps n’est plus à la timidité.

Renaturer les sols, mission impossible

Du temps perdu pendant lequel les conséquences sur les écosystèmes sont irréversibles, perturbent gravement le cycle de l’eau et menacent notre autonomie alimentaire. Face à cela, les fausses solutions s’accumulent pour nous rassurer. Parmi elles, l’ambition de renaturer les sols.
Pourtant, une fois artificialisé, un sol peut difficilement retourner à sa qualité naturelle car il faut déconstruire, dépolluer, désimperméabiliser, décompacter, réintroduire de la végétation et le reconnecter aux écosystèmes naturels environnants. Le processus n’est pas impossible, mais il est très long et coûteux. Les scientifiques s’accordent : 1 000 ans sont aujourd’hui nécessaires pour constituer 1 cm de terre fertile.
Et chaque année, c’est la capacité à nourrir une ville moyenne comme le Havre que l’on perd.

Faut-il pour autant désespérer ?

Non. De nombreuses organisations et citoyen·nes continuent à porter des alternatives et à se battre contre les logiques destructrices. Terre de Liens a porté plusieurs propositions en ce sens, comme par exemple :

PRÉSERVER LES TERRES ET LEUR USAGE AGRICOLE

>Tendre vers zéro artificialisation. La seule construction qui devra pouvoir être facilitée est celle de logements sociaux en « zone tendue » ;
> Annuler les plus-values foncières réalisées par les propriétaires fonciers lors du changement d’usage en taxant de manière dissuasive la vente de terrains agricoles rendus constructibles. Cette plus-value est un enrichissement non justifié, lié uniquement à une décision publique d’urbanisme ;
> Rendre l’artificialisation plus chère que la rénovation urbaine par une taxe d’urbanisation élevée.

FAVORISER DES PRATIQUES AGRICOLES VERTUEUSES
> Encadrer la rédaction des schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles (SDREA) pour qu’ils respectent mieux des objectifs d’intérêt général ;
> Diriger les aides à l’installation vers les projets les plus vertueux, grâce à un dispositif de bonification fortement incitatif pour l’agriculture biologique, l’agroforesterie, les infrastructures agroécologiques, la diversification de la ferme ou du territoire, ou encore pour les démarches collectives et l’installation de femmes en agriculture.

DÉVELOPPER UNE GOUVERNANCE DÉMOCRATIQUE ET TRANSPARENTE DES TERRES AGRICOLES
> Mettre en place une nouvelle instance de régulation des droits d’usage des terres.

ET AU-DELÀ…

Au-delà d’articles de loi nationaux, au niveau local, les collectivités territoriales ont un rôle essentiel à jouer dans la maîtrise et l’orientation des terres agricoles. De la même façon, l’exercice de la démocratie à l’échelle européenne doit nous permettre d’implanter un cadre réglementaire favorable à une meilleure gouvernance foncière.

À (re)découvrir : notre rapport sur l’état des terres agricoles

Un état des lieux de la situation française et un cri d’alarme : Plus de 5 millions d’hectares vont changer de mains d’ici 2030. C’est une opportunité unique de réorienter notre modèle agricole. Et pourtant...
Chaque année, c’est une surface équivalente à la capacité à nourrir une ville comme le Havre qui est perdue. Aujourd’hui, 2/3 des terres libérées par les agriculteurs qui partent en retraite vont à l’agrandissement de fermes voisines, réduisant ainsi drastiquement les terres disponibles pour de nouvelles installations paysannes.
Artificialisation galopante, dégradation des sols, concentration des terres, ultra-spécialisation des fermes et non-renouvellement des générations paysannes, les attaques que subit la terre sont aujourd’hui nombreuses et connaissent un rythme effréné.

Nos constats et propositions sont à lire dans « L’état des terres agricoles en France »

À l’échelle de Terre de Liens

En achetant des fermes, Terre de Liens garantit qu’elles ne seront pas artificialisées et conserveront leur vocation agricole.
Ensuite, les fermier·es qui cultivent les terres que Terre de Liens a en propriété signent des baux ruraux intégrant des clauses environnementales afin de préciser juridiquement les objectifs communs autour de la protection de la qualité des sols, de la ressource en eau, de la biodiversité et de la préservation des paysages dans le cadre de l’activité agricole. La qualité des sols est donc préservée sur le long terme.

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