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La ferme aux 3000 vaches en Haute-Vienne, un avant-goût de la France de l’après Mercosur ?

Publié le 27 novembre 2024 , mis à jour le 27 novembre 2024

© Naomi Salome / Pixels

Alleluia, l’opposition au Mercosur fait l’union nationale en France. Les politiques comme les distributeurs sont vent debout contre l’accord de libre-échange entre l'Union européenne et les pays d’Amérique du sud. Quand l’un organise un débat à l’Assemblée nationale, l’autre rassure le consommateur et les agriculteurs·trices : « Pas de viande Mercosur dans nos rayons ». Derrière cette opposition de façade, personne ne rappelle pourtant que les accords de libre-échange fragilisent déjà les filières françaises et que les projets de fermes-usines se développent pour y répondre, comme en Limousin.

Au-delà de l’opposition au Mercosur, qui seule ne règlera rien, Terre de Liens appelle le gouvernement à se saisir de la Loi d’orientation agricole débattue dès décembre au Sénat, pour défendre un modèle agricole soutenable pour la profession. En lieu et place de la coquille vide laissée en plan en juin dernier.

Accord UE/Mercosur : un traité qui cache la forêt

pAlors que l’union nationale semble de mise sur le Mercosur, Terre de Liens s’interroge : ourquoi les accords signés avec le Chili, le Kenya, la Nouvelle-Zélande n’ont pas ému le syndicat agricole majoritaire comme nos responsables politiques ?
Signé en janvier dernier et entré en vigueur en mai, le traité de libre échange avec la Nouvelle-Zélande peut aujourd’hui être directement relié à la rupture des contrats laitiers par le groupe Lactalis qui a abandonné ainsi 300 éleveurs en rase campagne sans solution.

Les traités de libre échange d'où qu'ils viennent sacrifient les agriculteurs·trices sur l’autel de la concurrence internationale et poussent au rabotage des normes sociales et environnementales, en France et ailleurs. Terre de Liens appelle aujourd’hui nos responsables politiques à la cohérence. Cette politique du deux poids deux mesures, conduit aujourd’hui à des projets qui n’auront bientôt plus rien à envier aux fermes brésiliennes qui pour certaines atteignent 100 000 hectares… Des surfaces inédites pour une ferme dans l’hexagone.

Des fermes XXL pour répondre à la concurrence mondiale ? En Limousin, la dystopie de la ferme-usine est en marche

À Saint-Martial-Le-Vieux (23), on n'a pas attendu le Mercosur pour engager la filière bovine dans la spirale de la concurrence mondiale. Dans cette région, les centres d’engraissement destinés à nourrir le marché sud-européen en jeunes bovins se multiplient. Un modèle industriel qui précarise les éleveurs et qui pourrait aujourd’hui passer un nouveau cap vers une agriculture sans agriculteurs : vous vous êtes émus de la ferme aux 1000 vaches, voici venir la ferme aux 3000 vaches !

Filiale du groupe Carnivor, la société T’Rhéa, souhaite installer un centre d’engraissement de 3100 bovins à Peyrilhac (87). Ce projet agro-industriel importerait de la matière première pour nourrir les bêtes enfermées en bâtiment, et exporterait les jeunes bovins dans les pays sud européens. Outre les enjeux liés à la taille gigantesque de ce projet hors-sol qui s’installerait sur plus de 600 hectares, dans une région plutôt habituée aux prairies et au pâturage, et à la pression foncière qu’il engendre, le projet proposé est une hérésie environnementale, rejeté par les habitants locaux. Bien évidemment une petite musique s’agite pour légitimer la création d’une « filière locale ». Mais les Haut-Viennois ne pourront jamais ingurgiter autant de barback. En fait, l'aliment des bovins serait importé, et la viande exportée dans les pays du sud de l’Europe. T’Rhéa promet seulement 8 emplois au total à la fin du projet, soit un actif pour 80 hectares. Si comparaison n’est pas raison, en Limousin, Terre de Liens a acquis 8 fermes qui ont permis l’installation de 20 fermiers et fermières en agriculture bio, pour une surface de 430 hectares préservés.

La Haute-Vienne a perdu 1000 équivalents temps plein, tandis que les fermes s'agrandissent encore et encore (la surface a été multipliée par deux en 20 ans), sans améliorer le revenu pour nos agriculteurs.
Vincent Laroche

Porte-parole de l’association Terre de Liens Limousin

La loi d’orientation agricole : une opportunité historique de répondre à la crise

Dans ce contexte, Terre de Liens appelle le gouvernement et les députés à être à la hauteur de l’histoire et des engagements pris face au refus du Mercosur. En décembre prochain la Loi d’Orientation Agricole (LOA) se représentera au Sénat. Elle est l’occasion de réaffirmer l’attachement à une alimentation locale et saine et d’engager l’agriculture française vers une préservation de ses fermes et de ses agriculteurs·trices, en pensant de façon systémique les bouleversements à venir tant sur le plan démographique que climatique.

Le texte qui sera examiné par les sénateurs début décembre ne répond en rien aux enjeux de la crise. Aujourd’hui, c’est une coquille vide qui a sacrifié l’ambition de renouvellement des générations et la transition vers une agriculture résiliente face aux aléas climatiques. Tout reste à faire pour répondre à la crise qui mobilise le monde agricole depuis près d’un an.
Astrid Bouchedor

Responsable de plaidoyer de Terre de Liens

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