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Loi d’orientation agricole : après la casse par le gouvernement, un urgent rattrapage par les député·es

Publié le 13 mai 2024 , mis à jour le 13 mai 2024

© Pixabay / sulox32

Le projet de Loi d’Orientation Agricole, promis depuis 2022, sera débattu à partir du 14 mai à l’Assemblée. Une loi structurante pour l’agriculture n’était pas arrivée depuis plus de 10 ans, attisant des attentes fortes. A rebours de l’histoire, le gouvernement livre un texte plus que faible, voire dangereux. Reste aux député·es à réhausser cette loi, pour faire mieux que pire.

Le pire n'est jamais certain… à condition que les parlementaires revoient la copie du gouvernement

La commission des affaires économiques a rehaussé l’ambition du projet de loi la semaine dernière : elle y a notamment inscrit la priorité des politiques d'installation vers les systèmes agro-écologiques, l’importance de réguler le marché foncier (ainsi, article 1, alinéa 8 trouve-t-on "Sa capacité à favoriser le renouvellement des générations en agriculture par une régulation du marché foncier"), le conditionnement des aides publiques, ou encore le diagnostic sol obligatoire. Cette ambition restera cependant lettre morte si les député·es n’améliorent pas le texte : sans mesures dédiées, le nombre de fermes, et encore moins en agro-écologie, n’augmentera pas. Nous appelons à un soutien des acteurs de l'accompagnement (au-delà des seules Chambres d'agriculture), à mieux accompagner la restructuration des fermes, et à flécher des aides publiques vers des installations durables, à même de répondre au défi climatique et à laisser le vivant entretenir la fertilité des sols.

Telle qu’elle va entrer à l’Assemblée, cette loi d’orientation agricole n’oriente rien d’autre qu’une fuite en avant vers un mur toujours plus haut, celui de la disparition des fermes, de la financiarisation des terres et de pratiques agricoles à rebours de l’urgence écologique. Les député·es doivent poursuivre le travail entamé en commission pour donner une chance au renouvellement des générations de voir le jour.
Astrid Bouchedor

Responsable de plaidoyer de Terre de Liens

Financiarisation des terres agricoles : une bataille gagnée, pas la guerre des terres

La semaine dernière en commission, les député·es ont rejeté, à raison, l’article 12 : le gouvernement entendait permettre la création de « groupements fonciers agricoles d’investissement ». Cela revenait à faire porter la responsabilité de l'installation de nouveaux agriculteurs·trices sur les intérêts d'investisseurs privés. Une idée à rebours des besoins donc, et heureusement écartée… mais jusqu'à quand ? L’article, en cours de réécriture (dans la version lue par Terre de Liens), ne lève malheureusement pas les risques de financiarisation accrue pourtant pointés par de nombreux député·es en commission. Renommé “groupement foncier agricole d’épargne”, ce nouveau dispositif présente toujours des écueils majeurs. Ainsi les baux de long terme (aux loyers plus élevés sans grande sécurisation du fermier) sont toujours obligatoires. Une “priorité” semble être donnée à l’installation, mais sans limitation plus stricte, cette priorité sera facilement contournable. De plus, aucune garantie n’est apportée quant au ciblage d’installations agroécologiques, et les avantages fiscaux ouverts par le GFA ne sont toujours pas réservés aux projets d’installation. Rien n'empêche, non plus, la revente spéculative des terres par ces GFA-E. Enfin, la surface maximale détenue est trop élevée (30 fois la surface minimale d'assujettissement, quand Terre de Liens défend la limite de 1,5 surface agricole utile par exploitant).

Pour une meilleure régulation des terres, volet totalement oublié par le gouvernement, la réécriture de l’article 12 doit fermer définitivement la porte à la financiarisation des terres agricoles, et faire advenir la transparence qui manque cruellement sur le marché des terres.

Terre de Liens appelle ainsi à :

La création d'un registre ainsi qu’un observatoire des changements d'usage et de propriété des terres

Pour identifier les propriétaires et les bénéficiaires effectifs des terres, afin de garantir une transparence totale dans la gestion foncière, suivre l'évolution du paysage foncier et détecter les pratiques spéculatives ou abusives.

La réorganisation des Schémas Départementaux de Restructuration des Exploitations Agricoles (SDREA)

Les SDREA doivent être réformés afin de prioriser l'emploi, la souveraineté alimentaire et l'agroécologie, notamment l'agriculture biologique. Les terres déjà en agriculture biologique doivent être attribuées prioritairement à des projets respectant ces principes.

La fusion des contrôles et autorisations de l’accès aux terres

La fusion des contrôles des quatre marchés d'accès à l'usage des terres (propriété, location, parts sociales, délégation intégrale de travaux) autour d'une autorisation administrative unique qui suivent les recommandations du SDREA, mises en œuvre par une commission unifiée Safer et CDOA (Commission Départementale d'Orientation Agricole) départementale de régulation foncière. S'il n'y a pas de candidat qui répond aux objectif prioritaires du SDREA, alors les autorisations d'accès au terres sont temporaires.

A opposer agriculture et environnement, le gouvernement ne réussit rien d’autre qu’hypothéquer la fertilité des sols de demain

Depuis la crise agricole de début d’année, jusqu’à la récente réforme de la PAC, le président E. Macron et le gouvernement de G. Attal n’épargnent rien à l’environnement, continuant de l’opposer à l’agriculture. Ainsi, sous prétexte d’assouplissement pour faciliter le quotidien des agriculteur·trices, les mesures visant à préserver l’environnement sautent à vue d'œil. Dans cette droite lignée, le projet de loi loi d’orientation agricole ne fait pas exception : les atteintes faites à l'environnement sont dépénalisées, l'arrachage des haies est facilitée, et les projets de méga-bassines et d’élevage industriel sont facilités. Cela revient à piller les champs d’aujourd’hui pour détruire l’agriculture de demain. Quid du revenu des paysan·nes ? Rien. Quid du renouvellement des générations agricoles ? Si peu : un projet de loi pour l’instant coquille vide.

Le renouvellement des générations agricoles n’aura pas lieu

Faut-il le rappeler : 200 fermes disparaissent chaque semaine. Si les candidat·es à la reprise existent, leur accès aux terres est semé d’embûches. Favoriser le renouvellement des générations en agriculture, c’était là l’objectif premier de cette loi. Parlons au passé, car l’ambition n’est plus. Pire, on se félicite désormais de ce qui ne sera qu’un garrot, voire un pansement, posé sur une hémorragie. Ainsi la semaine dernière le député Pascal Lecamp (Modem) a amendé le texte pour que la loi vise à ne pas descendre sous le seuil de 400 000 exploitations à l’horizon 2035… ce qui revient à maintenir le nombre actuel d’agriculteur·trices. Une ambition toute relative donc, et dépourvue de moyens : malgré deux années de discussion, aucune enveloppe, aucun fléchage de budget n’est à ce jour mis sur la table pour enrayer la disparition des fermes.

Terre de Liens exhorte les député·es à amender la loi pour qu’elle réponde à l’intérêt général, ou a minima, n'assombrisse pas davantage l’avenir agricole que ne le fait le gouvernement, notamment pour l’accès des terres pour les projets agroécologiques. Souveraineté alimentaire et développement d’une agriculture durable ne peuvent attendre face à l’urgence écologique et sociale en cours.

© Terre de Liens 2024

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