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Publié le 24 juin 2022 , mis à jour le 17 août 2023
NOURRIR LE PROJET D’UNE DÉMOCRATIE ALIMENTAIRE
Avec près de la moitié de sa surface dédiée à l’agriculture, une production agricole qui pèse 77 milliards d’euros, la France est un des plus gros producteurs agricoles mondiaux.
Comment expliquer alors que le besoin fondamental de « se nourrir » ne soit pas assuré pour l’ensemble de la population ?
D’après l’étude individuelle nationale des consommations alimentaires, 22% des ménages avec enfant sont en insuffisance alimentaire.
La part des terres destinée à l’alimentation locale diminue, mise en concurrence avec d’autres usages.
“Il n’y a pas deux fonctions séparées, qui serait l’une de produire, l’autre de consommer, mais une seule activité partagée : se nourrir. Cela suppose une délibération commune sur comment nous souhaitons vivre.”
InPACT, Rencontres nationales des agricultures : « Manger, c’est d’un commun ! », 2016
Pour destiner la terre agricole à des productions vouées à l’alimentation locale, pour accompagner l’agriculture vers plus de résilience notamment vis-à-vis de la ressource en eau, un débat démocratique et un renforcement du pouvoir citoyen sur les choix concernant l’avenir des terres agricoles sont nécessaires.
« La sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active. »
Sommet mondiale de l’alimentation (1996)
La sécurité alimentaire est un besoin fondamental qui n’est aujourd’hui pas assuré : parce que les terres sont détournées de leur vocation première, parce que notre système alimentaire est dépendant et vulnérable, parce que nos régions agricoles sont trop spécialisées… Il nous faut aujourd’hui relocaliser tout en veillant à la solidarité entre nos territoires.
Nous abordions récemment les problématiques d’artificialisation et de rognage des terres agricoles. Mais d’autres effets sont à prendre en compte, comme par exemple... les exportations.
Si les politiques agricoles françaises ont toujours affiché l’objectif de sécurité alimentaire, elles ont pour autant largement orienté l’agriculture vers l’exportation en encourageant l’agrandissement et la spécialisation des fermes. La France est aujourd’hui le 6e exportateur mondial de produits agroalimentaires en valeur.
Une puissance exportatrice... qui importe largement. Pour faire face à la demande alimentaire nationale, la France importe des produits agricoles et alimentaires qui, s’ils étaient produits sur le sol français, représenteraient une emprise de neuf millions d’hectares de terres, soit un tiers de la surface agricole utile.
Le saviez-vous ?
La moitié des fruits et légumes consommés en France est importée !
Or, plus nous importons des produits alimentaires, moins nous pouvons assurer la traçabilité et la qualité des produits agricoles, qui répondent à des normes souvent moins exigeantes en termes de pratiques agricoles, d’impact sur l’environnement et de conditions de travail.
La grande dépendance de notre système alimentaire. Pour importer l’équivalent de ces neuf millions d’hectares cultivés ailleurs, nous sommes très dépendants du transport international. Or la crise sanitaire mondiale l’a montré en 2020, les flux internationaux peuvent s’interrompre de manière brutale, fragilisant ainsi la sécurité alimentaire.
« Déléguer notre alimentation [...] à d’autres est une folie. Nous devons en reprendre le contrôle, [...] Les prochaines semaines et les prochains mois nécessiteront des décisions de rupture en ce sens. Je les assumerai », reconnaissait le président Macron en 2020.
De plus, dans de telles conditions, il y a une forte corrélation entre le prix de l’énergie et celui des denrées alimentaires, ce qui cause évidemment des problèmes en cas de crise.
FAIRE BOUGER LES LIGNES AU NIVEAU LOCAL
« Dans l’Hérault au fil des décennies, la vigne a tout remplacé. Aujourd’hui, préparer l’avenir de ma commune passe par la relocalisation de l’agriculture nourricière. » - Pierre Polard, maire de Capestang.
Avec l’équipe Terre de Liens Languedoc Roussillon, la mairie de Capestang s’est lancée dans un diagnostic agricole qui a permis d’identifier 700 hectares de friches. En 2019, la mairie a acquis 1,5 hectares de terres qui ont permis à une ferme maraîchère de diversifier sa production. Aujourd’hui, l’objectif est de continuer à acquérir des terres pour approvisionner toutes les cantines scolaires. Sur une seconde parcelle communale, la commune a développé des jardins partagés.
“Nous l’avons vu pendant la crise sanitaire, l’avenir c’est de pouvoir revenir à une souveraineté alimentaire. La solidité, c’est le local.” - Pierre Polard, maire de Capestang.
Pour plus de détails sur la démarche et découvrir d’autres initiatives locales
L’essor des transports et l’orientation de la production agricole vers des marchés nationaux et internationaux, notamment avec le soutien de politiques publiques, ont favorisé la spécialisation des régions selon les conditions climatiques et les infrastructures existantes. Il en résulte de vastes zones agricoles spécialisées comme l’Ouest de la France avec l’élevage intensif ou le Bassin parisien avec les cultures céréalières. Cette spécialisation est possible grâce à une logistique et des infrastructures de transport extrêmement bien organisées pour relier ces zones de production à leurs marchés finaux, souvent l’international, ce qui complique les initiatives de relocalisation de l’alimentation promues aujourd’hui.
Autonomie n’est pas autarcie. Tous les territoires ne sont pas égaux face aux conditions géographiques et climatiques, ni face à la disponibilité des terres agricoles ou à la population qu’ils ont à nourrir. Il serait impossible de relocaliser 100% de l’alimentation dans une proximité immédiate. Ainsi, la relocalisation doit être organisée entre les territoires, voire à l’échelle nationale.Une certaine déspécialisation des productions agricoles reste essentielle et implique de réintroduire des systèmes associés comme la polyculture élevage et des légumineuses dans la rotation des cultures.
PRODUIRE MIEUX POUR GARANTIR LE DROIT À L’ALIMENTATION
Moins de variété, plus de vulnérabilité. La perte de la biodiversité cultivée a amoindri les capacités de résilience de notre agriculture. Les variétés modernes, génétiquement très homogènes et adaptées aux pratiques de l’agriculture industrialisée (irrigation, engrais minéraux, pesticides), sont beaucoup moins résistantes aux perturbations climatiques ou biologiques.
Des aléas climatiques de plus en plus dévastateurs. Les aléas climatiques avec des épisodes extrêmes se multiplient et les scénarios du GIEC (le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) sont peu optimistes. De ce fait, l’eau, primordiale dans l’agriculture, devient aussi une ressource sous tension. Des risques à prendre en compte pour changer de pratique vers une production plus à même de garantir le droit à l’alimentation.
ET SI L’ALIMENTATION DE VOTRE TERRITOIRE DEVENAIT LOCALE ET DURABLE ?
Je découvre le simulateur PARCEL
Manger moins, manger mieux. On entend régulièrement des doutes sur la capacité de la France à nourrir toute sa population en bio. Il est vrai qu’à régime égal, la France aurait besoin de 45 millions d’hectares pour nourrir sa population. Cependant, selon le simulateur Parcel, si nous diminuons de 25% notre consommation de produits d’origine animale, la surface agricole de la France est suffisante pour assurer notre autonomie alimentaire. Si nous réduisions de moitié notre consommation de produits animaux, il nous resterait un tiers de surfaces agricoles à affecter à d’autres usages comme la vigne, la production de matériaux et d’énergie, ou encore des productions destinées à l’exportation.
Encore faut-il se donner les moyens de la transition. À l’issue des États généraux de l’alimentation, le gouvernement a adopté le plan Ambition Bio, avec pour objectif d’atteindre 15% de la surface agricole cultivée en agriculture biologique, en 2022. L‘objectif est loin d’être atteint, avec seulement 9,5% des surfaces agricoles en bio en 2020.
Ce n’est pas une question de consom’action. Si de nombreuses études montrent que les Français veulent manger plus bio, plus local, elles oublient la part significative de la population qui n’a pas le choix de son alimentation. Quand sept millions de personnes recourent à l’aide alimentaire et que 40% de la population est en situation d’alimentation insatisfaisante, c’est que notre système alimentaire est le marqueur d’une importante fracture sociale. Le changement de régime opérera s’il est accessible financièrement et choisi démocratiquement.
DE LA DÉMOCRATIE ALIMENTAIRE À LA DÉMOCRATIE FONCIÈRE
Le droit à l’alimentation est « le droit d’avoir un accès régulier, permanent et libre, soit directement, soit au moyen d’achats monétaires, à une nourriture quantitativement et qualitativement adéquate et suffisante, correspondant aux traditions culturelles du peuple dont est issu le consommateur, et qui assure une vie psychique et physique, individuelle et collective, libre d’angoisse, satisfaisante et digne » (Ziegler, 2001).
Si on considère que ce droit est fondamental, alors les terres agricoles, support principal de ce droit, doivent être considérées comme des communs, et la production agricole, d’intérêt général. Les terres agricoles ne sont pas infinies, c’est un bien limité, où l’usage par l’un en exclut l’autre. L’usage doit donc être encadré pour s’assurer de répondre à l’intérêt général de manière pérenne, c’est-à-dire sans compromettre son usage futur.
Le mythe de la demande qui oriente l’offre est aujourd’hui largement déconstruit par de nombreuses études qui révèlent à quel point les dimensions économiques et culturelles limitent l’accès à une alimentation de qualité. Le seul moyen de définir la qualité à l’échelle de la société est d’en délibérer collectivement. Si le rôle des terres agricoles est de nourrir la population, alors l’usage qui en est fait doit répondre aux attentes de la société. La rénovation de la politique foncière est donc urgente. Elle doit permettre la gestion de la ressource terre et la satisfaction du droit fondamental à l’alimentation dans ses dimensions nutritionnelle, culturelle, économique et environnementale.
Plus de 5 millions d’hectares vont changer de mains d’ici 2030. C’est une opportunité unique de réorienter notre modèle agricole. Et pourtant...
Chaque année, c’est une surface équivalente à la capacité à nourrir une ville comme le Havre qui est perdue. Aujourd’hui, 2/3 des terres libérées par les agriculteurs qui partent en retraite vont à l’agrandissement de fermes voisines, réduisant ainsi drastiquement les terres disponibles pour de nouvelles installations paysannes.
Artificialisation galopante, dégradation des sols, concentration des terres, ultra-spécialisation des fermes et non-renouvellement des générations paysannes, les attaques que subit la terre sont aujourd’hui nombreuses et connaissent un rythme effréné.
Accéder au rapport->https://terredeliens.org/etat-des-terres-agricoles.html]
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