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28 organisations demandent à Emmanuel Macron de revoir le Plan Stratégique National de la PAC

Publié le 10 septembre 2021 , mis à jour le 17 août 2023

Revoir en profondeur le Plan Stratégique National de la PAC est la seule manière de respecter les engagements pris à l’occasion du Congrès de la nature de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Emmanuel Macron se déplace aujourd’hui dans les Alpes-de-Haute-Provence à l’occasion de la 7e édition des rencontres Terres de Jim organisée par les Jeunes Agriculteurs. À cette occasion, 28 organisations paysannes, de protection de l’environnement, de solidarité et de consommateurs ont adressé ce jour un courrier au Président de la République lui demandant de traduire en action la promesse faite vendredi dernier lors du congrès mondial de l’UICN.

« En 2022, la Présidence française du Conseil de l’Union européenne portera une initiative de sortie accélérée des pesticides. Pour protéger nos sols, nos activités agricoles. En accompagnant nos agriculteurs. »
Emmanuel Macron

Dans ce courrier, les 28 organisations rappellent que le Président de la République ne pourra pas tenir sa promesse sans revoir en profondeur le Plan Stratégique National de la PAC.

Le courrier

Objet : Demande de réorientation forte du Plan Stratégique National afin que les aides de l’éco-régime soutiennent les pratiques agricoles en proportion des bénéfices réels pour l’envi-ronnement.

Monsieur le Président de la République française,

Vendredi dernier, à l’occasion du Congrès mondial de la nature de l’UICN, vous vous êtes en-gagé à porter une initiative de sortie accélérée des pesticides dans le cadre de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne. Cet engagement est nouveau et ne pourra être ambitieux qu’à la condition d’être traduit par des actions extrêmement concrètes dans les prochaines semaines.

Si l’annonce d’une sortie complète est inédite, elle s’ajoute à une série d’engagements à réduire drastiquement l’utilisation des pesticides, pris par tous les gouvernements depuis 2008 et le Grenelle de l’environnement. Or, malgré quelques infléchissements de courbes, la France a systématiquement échoué à atteindre ses objectifs et la dynamique d’usage reste élevée : +13 % entre les périodes 2009-2011 et 2017-2019. Au-delà de l’engagement, il est donc indispensable d’identifier les causes des échecs précédents et de ne pas les reproduire.

Cet écart entre les objectifs fixés et les résultats atteints provient d’incohérences de nos politiques publiques actuelles et de l’échec des choix réalisés dans les précédentes PAC. Le diagnostic PSN du gouvernement reconnaît que les aides de la PAC ont accompagné l’intensification des modes de production agricole et ses impacts négatifs sur la biodiversité. Si les objectifs existent, l’argent public n’est toujours pas fléché vers l’atteinte de ceux-ci. En France, malgré 23,2 milliards d’euros d’argent public versés annuellement aux acteurs agricoles et de l’alimentation, moins de 1% ont un impact avéré sur la réduction de l’emploi des pesticides. Tant que l’essentiel des financements publics participera à maintenir le système en place, nous ne pourrons pas respecter nos engagements.

De même, le bilan politique des 5 dernières années concernant la biodiversité et notamment les effets des pesticides sur celle-ci nous préoccupe grandement. En effet, le double rétropédalage sur le glyphosate et les néonicotinoïdes sont des reculs inacceptables dans un contexte d’effondrement sans précédent de la biodiversité sur les 30 dernières années. Près de 80 % de la biomasse des insectes volants a disparu en Europe en moins de 30 ans. En France, un tiers de la population d’oiseaux a disparu des zones rurales au cours des 15 dernières années. Et les pesticides ont une responsabilité majeure dans ce déclin, comme l’a rappelé l’IPBES dans son rapport de 2019. À quelques mois de la fin de votre mandat, nous regrettons que la France ne respecte pas ses objectifs de réduction d’utilisation des pesticides fixés dans le plan Ecophyto, tout comme elle n’atteint pas ses objectifs en matière de surfaces agricoles cultivées en agriculture biologique (le ministre a reconnu que l’objectif de 15 % de la surface agricole utilisée en bio ne serait pas atteint en 2022).

Ces faits doivent nous faire réagir. En plein Congrès pour la nature, l’heure est aux actes, à la transformation des politiques publiques. Pour le secteur agricole, une politique publique est plus structurante que toutes les autres : c’est la Politique Agricole Commune, qui représente 9 milliards d’euros par an en France, soit 47 % des financements publics aux acteurs agricoles et de l’alimentation. Accoler de nouveaux outils tels que le plan d’investissement France 2030 ne changera pas la donne si la PAC n’est pas transformée en profondeur. Actuellement, en France, moins de 2 % des financements de la PAC ont un impact avéré sur la réduction de l’emploi des pesticides. Ces financements sont constitués essentiellement des aides à l’agriculture biologique et de certaines mesures agroenvironnementales et climatiques. Dans son rapport « Biodiversité des terres agricoles » (2020), la Cour des Comptes européenne conclut que les mesures des précédentes PAC n’ont pas permis d’enrayer le déclin de la biodiversité. Il nous faut donc éviter de reproduire les erreurs du passé.

Or la nouvelle PAC et sa déclinaison française échouent à mettre en cohérence les objectifs et les moyens. Ce qui est actuellement proposé est essentiellement un statu quo, donc la répétition des erreurs faites dans les précédentes PAC. En effet, les arbitrages finaux sur la déclinaison française de la Politique Agricole Commune qui ont été présentés en juillet ne reconnaissent et ne rémunèrent pas les systèmes qui rendent des services d’intérêt général à la société et encore moins en proportion de leur performance. Par exemple, le niveau d’aide environnementale prévu est le même que l’on soit en agriculture biologique ou en haute valeur environnementale (HVE, certification qui autorise l’utilisation des pesticides de synthèse et dont l’évaluation par l’OFB a conclu qu’elle ne présentait aucun bénéfice environnemental dans la plupart des cas). Par ailleurs, le ministre défend sa volonté d’avoir un éco-régime accessible à tous alors que c’est précisément la cause identifiée comme responsable de l’échec de la précédente politique de verdissement. En effet, les bilans réalisés par les Cours des comptes française et européenne ont conclu que "les critères fixés étant remplis par la quasi-totalité des exploitants, les effets des politiques de verdissement ont été limités sinon nuls".

Nous rappelons également que le Conseil d’État a demandé à l’État de prendre des mesures supplémentaires d’ici au 31 mars 2022 pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40% d’ici 2030. Le Plan Stratégique National doit faire partie des politiques publiques à revoir compte-tenu de son influence pour le climat.

Nous vous demandons donc solennellement, Monsieur le Président, d’appliquer dès maintenant l’engagement annoncé au Congrès en réorientant fortement le Plan Stratégique National de la PAC afin de s’assurer que les aides qu’il prévoit et notamment celles l’éco-régime rémunèrent les pratiques agricoles en proportion des bénéfices réels pour l’environnement.

Dans l’attente de votre retour, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de nos salutations distinguées.

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